Dans un premier article (février 1982), l'auteur a dressé un tableau de la situation de ces « allogènes » du Sud venus travailler dans notre « Nord ». Il en vient maintenant à étudier comment cette situation peut évoluer et ce qu'elle peut apporter de menaces ou de réconfort. Ici, l'institution militaire peut jouer un rôle majeur. On ne peut s'empêcher de penser aux vers qui, récemment, servaient d'exergue à l'éditorial du numéro spécial 1981 de la Revue historique des armées : « Qui sait si l'inconnu qui dort sous l'arche immense Mêlant sa gloire d'ombre aux fastes du passé N'est pas cet étranger devenu fils de France Non par le sang reçu mais par le sang versé. » Ce qui est dit ainsi, si poétiquement, pour la Légion, peut être tout aussi vrai pour les contingents maghrébins qui sont arrivés aux places de Provence un certain 15 août 1944, et à bien d'autres qui ont servi ou serviront dans nos armées. Bien des expressions et des idées utilisées par l'auteur pourront choquer, mais son mérite essentiel est de nous poser des questions que nous ne pouvons esquiver ou passer sous silence.
Libre opinion - Le dialogue Nord-Sud du quotidien et ses implications pour la défense - (II) L'avenir
Certains penseront peut-être que les perspectives évoquées sont redoutables et que le mouvement ainsi esquissé doit être freiné, découragé, voire radicalement arrêté. Nous ne partageons nullement, quant à nous, cette façon de voir et pensons même que les conséquences d’une telle évolution ne peuvent être que grandement bénéfiques pour tous, comme nous allons tenter de le préciser. Nous voulons noter auparavant non seulement la difficulté pratique ou morale, mais même l’impossibilité juridique de prendre d’éventuelles mesures de fermeture de frontières ou d’expulsion à l’encontre de ceux d’entre ces êtres humains considérés comme en surnombre mais qui posséderaient déjà la nationalité française ou qui l’auraient acquise entre-temps. Le nombre annuel des naturalisations est, en France, de l’ordre de cinquante mille. Une proposition de loi, adoptée par le Sénat le 29 mai 1980, vise par ailleurs à faciliter, dans certains cas, l’acquisition de la nationalité française. Notons aussi la situation paradoxale, encore qu’assez rare, de citoyens français de droit, mais non « acculturés » et pas même francophones, car nés et élevés à l’étranger. C’est le cas de certains Français, eurasiens pour la plupart, originaires du Vietnam, « rapatriés » — et non « réfugiés », la distinction est juridiquement fondamentale — dans un pays qui est théoriquement le leur, mais qu’ils ne connaissent même pas.
Si donc le flux migratoire peut être considéré aujourd’hui comme statistiquement tari, c’est au prix de naturalisations dont le nombre, sans être massif, ne peut être considéré comme négligeable. Enfin, il est évidemment impossible de faire état, dans les données numériques concernant l’immigration, des entrées clandestines ou irrégulières, en raison même de la nature de ces mouvements. Certains observateurs apprécient à plusieurs centaines de mille le nombre d’étrangers vivant en France dans de telles conditions, ce qui, compte tenu de l’extrême difficulté de régulariser ces situations, sauf dans les cas de regroupements familiaux, risque de susciter un nombre important de délinquants potentiels. Dès lors qu’aucune possibilité de rentrer dans la légalité n’est ouverte, les seules perspectives conciliant une honnêteté relative et une clandestinité obligée se limitent à une existence confinée, voire cachée, une mendicité plus ou moins apparente, quelques activités dites « au noir », la prise en charge matérielle par un tiers qui assure simultanément une relation affective. C’est le cas, assez fréquent, de couples plus ou moins éphémères au sein duquel le partenaire français seul exerce une activité salariée. L’incertitude liée à la précarité de telles solutions s’aggrave de la menace, permanente, d’un contrôle menant irrémédiablement à l’expulsion, avec toutes les conséquences parfois déchirantes que provoquent, sur le plan humain, de telles mesures.
Pour les étrangers en situation régulière, qui sont la majorité, il reste, évidemment, la solution des retours qualifiés de volontaires. Ceux-ci, dans la plupart des cas, ne sont souhaités réellement ni par les autorités des pays d’origine, malgré leurs déclarations, ni par les intéressés eux-mêmes, malgré leur nostalgie, surtout s’ils appartiennent à la deuxième génération, c’est-à-dire nés dans le pays d’accueil (1). Les populations originaires du « Sud », lors de leur séjour dans le « Nord », influencées par les modèles qui y dominent dans les domaines les plus divers, ont généralement contracté des habitudes ou des comportements qui rendent leur réadaptation à leur société originelle extrêmement improbable, ou du moins difficile. Ils se transforment même parfois, de manière plus ou moins délibérée, en agents de bouleversements ou de transformations sociales et culturelles, que les pouvoirs politiques des pays d’origine s’efforcent de réprimer ou au moins de freiner.
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