Face aux attaques croissantes d’États autoritaires contre nos systèmes démocratiques, il est urgent de réagir et de ne pas subir. D’où la décision française de construire une stratégie nationale d’influence ; une première parmi les pays où l’État de droit constitue le socle politique. Il faut désormais en construire l’architecture avec les moyens associés.
Préambule - Stratégie nationale d’influence : une architecture à inventer
Preamble—National Strategy of Influence: an Architecture to Create
In the face of the growing number of attacks by authoritarian states against our democratic systems it is urgent that we react and not put up with them. It is because of this that France has decided to create a national strategy of influence, a first among countries where the basis of politics is the constitutional state. We now have to create its architecture with its associated assets.
Présentant, le 10 novembre 2022, la Revue nationale stratégique (RNS) (1), le président de la République Emmanuel Macron a élevé l’influence au rang de « fonction stratégique ». Ce saut conceptuel, que la France est la première démocratie à faire, ne s’en inscrit pas moins dans une continuité. Le terme d’influence n’était certes guère usité à l’époque, mais la notion sous-tend des initiatives apparues comme la conséquence d’hostilités, que ce soit en réaction à la défaite infligée à la France par la Prusse, avec la création des alliances françaises dans les années 1880, ou encore durant la Première Guerre mondiale, avec la mobilisation des atouts culturels français pour gagner la sympathie des élites américaines et les rallier à l’idée d’une entrée en guerre des États-Unis aux côtés de la France (2). Un autre contexte d’hostilités, celui de la guerre froide, donne une nouvelle impulsion au développement des outils conçus pour être présent à l’Est du Rideau de fer, grâce aux instituts français, auprès des sociétés civiles.
Le terme d’influence n’apparaît cependant qu’au début des années 2000, de façon assez sporadique (3). Mais, il finit par imprégner les finalités de la diplomatie culturelle, dont le programme budgétaire (n° 185), initialement intitulé « rayonnement culturel et scientifique » sera, en 2011, rebaptisé « diplomatie culturelle et d’influence ». Arrivé au Quai d’Orsay en 2012, Laurent Fabius fera de la diplomatie d’influence l’instrument d’une France « puissance d’influence », en mobilisant toute la palette de ses ressources politiques, mais aussi culturelles, économiques, scientifiques, intellectuelles, ainsi que l’image de la France dans le monde et ses valeurs.
La diplomatie culturelle en constitue un axe majeur, d’autant plus qu’elle s’est vu adjoindre une fonction de soutien à nos industries culturelles et créatives – un poste d’exportation qui dépassait les 3 milliards d’euros en 2018. Toutefois, si les moyens déployés sont faciles à estimer, le résultat est plus difficile à mesurer. Le prestige de la culture française dans le monde, sa capacité à impressionner, voire à éblouir, flattent notre ego national. Néanmoins, l’humour caustique de l’Académicien Jean-François Revel – « depuis que la France rayonne, je me demande comment le monde entier n’est pas mort d’insolation » – rappelle la part de narcissisme collectif qui colore nos choix politiques.
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