Février 2023 - n° 857

24 février 2022, un an après… (1/2)

« Une guerre entre Européens est une guerre civile »

Victor Hugo
136 pages

Jeudi 24 février 2022 au petit matin, la sidération, la stupeur et l’angoisse lorsque les premières informations révèlent que les troupes russes ont commencé à envahir l’Ukraine, après une montée en tension depuis des semaines et ce, malgré les tentatives quasi désespérées de médiations internationales. Très vite, les images de longs convois de voitures fuyant Kiev face à l’avancée des blindés de Moscou envahissent les écrans des chaînes d’information. Les éditions spéciales débutent pour de longues journées. La guerre – ou plutôt l’« opération spéciale militaire » de Vladimir Poutine – est de retour sur le continent européen. Certes, il y avait eu la guerre en ex-Yougoslavie à partir de 1991, mais celle-ci avait pu être cantonnée aux Balkans au prix d’une longue intervention de l’ONU puis de l’Otan et de l’UE. Cette fois-ci, il s’agit de l’invasion d’un État souverain par la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité et… puissance nucléaire. Lire la suite

  p. 1-1

Face aux attaques croissantes d’États autoritaires contre nos systèmes démocratiques, il est urgent de réagir et de ne pas subir. D’où la décision française de construire une stratégie nationale d’influence ; une première parmi les pays où l’État de droit constitue le socle politique. Il faut désormais en construire l’architecture avec les moyens associés. Lire les premières lignes

  p. 5-10

24 février 2022, un an après… (1/2)

Depuis le 24 février 2022, Moscou insiste et voudrait faire croire que l’aide occidentale à l’Ukraine signifie une cobelligérance. Or, cela n’a pas de fondement juridique d’autant plus que les pays octroyant des armements à Kiev ont dès le début bien signifié qu’il n’y aurait pas d’engagement de troupes en soutien du pays agressé. Cela met cependant le droit international à l’épreuve au regard de cette guerre. Lire les premières lignes

  p. 13-17

La guerre en Ukraine a vu l’Armée de l’air et de l’espace (AAE) réagir très vite pour renforcer le flanc Est de l’Otan. Depuis un an, les premières leçons ont été prises en compte, soulignant le besoin d’agilité mais aussi le volet capacitaire. Cela conforte également le modèle exigeant d’entraînement pour préparer les conflits de demain. Lire les premières lignes

  p. 18-23

La consommation importante de blindés détruits par l’adversaire démontre l’intensité des combats avec un taux d’attrition élevée. L’aide occidentale est certes essentielle mais ce sont également les modes d’action qui font la différence sur le terrain. La guerre risquant de se poursuivre, le besoin de blindés ira croissant. Lire les premières lignes

  p. 24-29

L’armée ukrainienne, bien qu’inférieure quantitativement aux forces russes, a su compenser son handicap par le recours massif à l’innovation, utilisant toutes les ressources de la technologie. Le champ d’emploi des drones en est une illustration riche d’enseignements, y compris pour les armées occidentales. Lire les premières lignes

  p. 30-36

Paradoxalement, la Russie a tardé dans la mise en œuvre de moyens high-tech comme les drones et la guerre électronique. Le cyber a été et reste un lieu de confrontation, mais sans avantage décisif pour Moscou. À l’inverse, l’Ukraine a dès le début utilisé toutes les ressources de la Tech avec une efficacité reconnue. Lire les premières lignes

  p. 37-42

La guerre voulue par la Russie contre l’Ukraine remet en cause tous les principes du droit international pourtant admis par Moscou. Il est donc indispensable de défendre l’ordre international et de traduire devant la justice les coupables de l’agression contre un État souverain et indépendant. Lire les premières lignes

  p. 43-55

La guerre en Ukraine a eu un impact majeur sur l’Alliance atlantique, accélérant son processus de transformation, tout en apportant un soutien important à Kiev. L’Otan doit poursuivre ses évolutions pour accroître ses capacités à affronter ces nouvelles menaces et à accepter d’identifier ses points de faiblesse. Lire les premières lignes

  p. 56-60

La résurgence d’un conflit majeur en Europe a vu un engagement massif des chaînes d’informations en continu. Pour BFMTV, cette guerre a déjà vu près d’un quart de ses journalistes envoyés en Ukraine, au prix du sang d’ailleurs et avec une exigence permanente d’expliquer le drame provoqué par Poutine. Lire les premières lignes

  p. 61-65

Il est encore trop tôt, malgré une guerre de haute intensité, d’entrevoir une sortie de crise. Trop d’inconnues à ce stade du conflit mais une certitude, la Russie s’enfonce dans un chaos dramatique tandis que l’Ukraine malgré les souffrances endurées, incarne la ténacité et l’espoir de la liberté. Lire les premières lignes

  p. 66-76

L’exercice présenté ici traduit la stratégie résolument offensive de la Russie dans le cyberespace. Il y a une volonté déterminée et organisée par Moscou pour contourner les règles de fonctionnement actuelles d’Internet, en s’appuyant notamment sur un renforcement des relations avec la Chine. Lire les premières lignes

  p. 77-83

La Russie a l’ambition de développer une stratégie navale plus ambitieuse, malgré les sanctions et les pressions occidentales. La mer Noire est déjà quasiment sous un double contrôle entre Moscou et Ankara, traduisant cette poussée russe. La compétition navale est une réalité qui va perdurer. Lire les premières lignes

  p. 84-89

Il y a 50 ans

RDN n° 319, février 1973La conférence d’Helsinki, dont la préparation avait commencé en novembre 1972, a été un long processus et dont la finalisation s’est achevée à l’été 1975. Prélude à la recomposition de l’espace de sécurité européen, celle-ci a vu en quelque sorte son aboutissement plus d’une décennie après, lorsque le mur de Berlin s’est effondré en 1989. Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, la question d’une nouvelle conférence se reposera. Lire la suite

  p. 92-92

Repères

La guerre conduite par Vladimir Poutine contre l’Ukraine traduit une ambition impérialiste visant à réintégrer ce pays récalcitrant dans l’espace post-soviétique. C’est aussi un gâchis effroyable, isolant durablement la Russie désormais hostile à tout ce qui vient d’un Occident largement fantasmé par le Kremlin. Lire les premières lignes

  p. 93-100

Opinions

L’esprit de défense – appelé hier patriotisme – est la manifestation collective des citoyens de construire la cohésion de la Nation face aux risques et menaces de plus en plus polymorphes. C’est un engagement permanent, pas toujours évident mais plus que jamais nécessaire et indispensable. Lire les premières lignes

  p. 101-107

Approches régionales

Le conflit en Ukraine imposé par la Russie ne suscite pas l’approbation des anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. Bien au contraire, il y a une prise de distance avec Moscou, tandis que la Chine consolide son emprise, bénéficiant de sa puissance économique et des investissements en cours. Lire les premières lignes

  p. 108-113

Chroniques

La 1re Armée a joué un rôle majeur dans la doctrine stratégique française jusqu’à la chute du mur de Berlin. Elle constituait simultanément la réserve de l’Otan en cas d’agression soviétique et participait directement à la dissuasion nationale. Lire les premières lignes

  p. 114-119

Approches historiques

L’UEO créée en 1948 pour faire face à la menace soviétique et qui fut vite supplantée par l’Otan, connut un rebond dans les années 1990 avant de s’effacer face à l’élargissement de l’Alliance atlantique à l’Est. L’UE, elle-même, accrut ses responsabilités dans le champ des relations extérieures. Autant d’éléments aboutissant à la dissolution de l’UEO en 2010. Lire les premières lignes

  p. 114-119

Chroniques

Avec le changement tumultueux de présidence, le Brésil, puissance régionale reconnue, se retrouve à la croisée des chemins, avec l’obligation de consolider son système démocratique et de revoir le partage de ses richesses. Autre enjeu, retrouver une politique étrangère plus équilibrée dans un monde en déséquilibre. Lire les premières lignes

  p. 125-130

Recensions

Guéhenno Jean-Marie : Le Premier XXIe siècle – De la globalisation à l’émiettement du monde  ; Flammarion, 2021 ; 368 pages - Thibault Lavernhe

Encore un ouvrage sur la fin de la mondialisation, dont l’acte de décès a déjà été prononcé par de nombreux analystes ? Oui, mais pas seulement. Car l’ancien secrétaire général adjoint des Nations unies dresse d’abord, avec cet opus, la généalogie du vaste champ de ruines politiques dans lequel évolue l’Occident, où l’État protecteur est devenu l’horizon de toutes les attentes d’individus rongés par la peur. Tel est l’amer constat que dresse Jean-Marie Guéhenno en examinant les effets ravageurs de l’individualisme qui a été le moteur des sociétés occidentales depuis un demi-siècle, et singulièrement depuis la brutale accélération de 1989. Constat banal ? Non, car le penseur s’attache au fil des pages à en discerner les ressorts, les conséquences et, surtout, à proposer des voies raisonnables pour sortir de l’impasse en vertu de laquelle « l’individu est devenu la règle et le collectif l’exception ». Lire la suite

  p. 131-132

Revue Défense Nationale - Février 2023 - n° 857

24 février 2022, un an après… (1/2)

In the face of the growing number of attacks by authoritarian states against our democratic systems it is urgent that we react and not put up with them. It is because of this that France has decided to create a national strategy of influence, a first among countries where the basis of politics is the constitutional state. We now have to create its architecture with its associated assets.

24 February 2022: One Year Later…(1/2)

Since 24 February 2022 Moscow has been continually wanting to give the impression that Western aid to Ukraine amounts to cobelligerence. There is no legal basis for this, especially since those countries offering arms to Kyiv made quite clear from the outset that there would be no troops committed in support of the country suffering aggression. This aspect of the war nevertheless represents a test of international law.

The Armée de l’air et de l’espace (the French Air and Space Force) reacted very quickly to the war in Ukraine to reinforce NATO’s eastern flank. Over the past year the first lessons learned have been taken into account: they highlight the need for agility and capability, and back up the demanding training programme for preparation for tomorrow’s conflicts.

The considerable number of armoured vehicles destroyed by the adversary is a demonstration of the intensity of combat and its high attrition rate. Certainly Western aid is essential, but modes of action also make the difference on the ground. The longer the war lasts, the greater will be the need for armour.

The Ukrainian forces have been able to compensate for their numerical inferiority to Russian forces through massive use of innovation and the resources offered by technology. The employment of drones is one example of this, full of lessons to be learned—for Western forces, too.

Strange though it seems, Russia has been late in deploying high-tech assets such as drones and electronic warfare. Cyber war has been and remains and area of confrontation yet without any decisive advantage for Moscow. Conversely, Ukraine has from the outset used all the resources that technology can offer with obvious effectiveness.

The war that Russia has chosen to wage against Ukraine is calling into question every principle of international law despite it being accepted by Moscow. It is therefore essential to defend the international order and to bring to justice those guilty of aggression against a sovereign and independent state.

The war in Ukraine has had a major impact on the Atlantic Alliance, accelerating the process of transformation whilst bringing considerable support to Kyiv. NATO has to continue developing and improving its capabilities for confronting these new threats, and at the same time acknowledge that it needs to identify its weak points.

The resurgence of major conflict in Europe has led to massive commitment of continuous news channels to the events. BFMTV (a French TV news channel) has already despatched nearly a quarter of its journalists to cover the war in Ukraine—at the cost of bloodshed for some—with a permanent requirement to explain the drama provoked by Putin.

Despite the high-intensity warfare, it is still too soon to see a way out of the crisis. There are too many unknowns at this stage, yet one certainty is that Russia is sinking into chaos whilst despite the suffering endured there Ukraine is a model of tenacity and hope for freedom.

Evidence is presented here of the distinctly offensive Russian strategy in cyber space. Moscow has the determination, and is well organised to bypass the current operating rules of the Internet, supported in this quest by stronger relations with China in particular.

Russia is aiming to develop a more far-reaching naval strategy despite Western sanctions and pressure. The Black Sea is already under virtually two-party control by Moscow and Ankara—clear evidence of this Russian thrust. Naval competition is clearly with us and is set to last.

Fifty years ago

Viewpoints

The war against Ukraine waged by Vladimir Putin is in line with an imperialist ambition aimed at re-integrating that recalcitrant country into the post-Soviet sphere of influence. It is also an appalling mess, which is resulting in the long-term isolation of Russia, now hostile to all that comes from a version of the West dreamed up by the Kremlin.

Opinions

The spirit of defence, once known as patriotism, is the collective desire among citizens to build the cohesion of a nation in the face of continually changing types of risk and threat. It is a permanent commitment—one that is not always tractable, but more than ever necessary and essential.

Regional Approaches

The conflict that Russia has forced upon Ukraine does not attract the approval of former Soviet republics in Central Asia. Quite the contrary: they have been distancing themselves from Moscow, whilst at the same time China is consolidating its influence, profiting from its economic power and its current investments.

Chronicle

The French First Army, the 1re Armée, played a major role in French strategic doctrine up to the fall of the Berlin Wall. It was the NATO reserve in case of Soviet aggression, and also part of the national deterrent.

Historical Approaches

The WEU, created in 1948 to face the Soviet threat and rapidly supplanted by NATO, recovered a little in the 1990s before fading again as the Atlantic Alliance was extended to the East and the EU increased its responsibilities regarding external relations. Together, these factors led to the dissolution of the WEU in 2010.

Chronicle

Brazil is acknowleged as a regional power, yet after the turbulent change of President is now at a crossroads: it needs to consolidate its democratic system and review how its wealth is shared. A further challenge is to establish a more balanced foreign policy in an unbalanced world.

Book Reviews

Guéhenno Jean-Marie : Le Premier XXIe siècle – De la globalisation à l’émiettement du monde  ; Flammarion, 2021 ; 368 pages - Thibault Lavernhe

Revue Défense Nationale - Février 2023 - n° 857

24 février 2022, un an après… (1/2)

Jeudi 24 février 2022 au petit matin, la sidération, la stupeur et l’angoisse lorsque les premières informations révèlent que les troupes russes ont commencé à envahir l’Ukraine, après une montée en tension depuis des semaines et ce, malgré les tentatives quasi désespérées de médiations internationales. Très vite, les images de longs convois de voitures fuyant Kiev face à l’avancée des blindés de Moscou envahissent les écrans des chaînes d’information. Les éditions spéciales débutent pour de longues journées. La guerre – ou plutôt l’« opération spéciale militaire » de Vladimir Poutine – est de retour sur le continent européen. Certes, il y avait eu la guerre en ex-Yougoslavie à partir de 1991, mais celle-ci avait pu être cantonnée aux Balkans au prix d’une longue intervention de l’ONU puis de l’Otan et de l’UE. Cette fois-ci, il s’agit de l’invasion d’un État souverain par la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité et… puissance nucléaire.

Il y a un an, rares étaient ceux qui pensaient que Kiev allait pouvoir tenir dans la durée face au rouleau compresseur russe qui avait bénéficié d’une vingtaine d’années d’investissements majeurs voulus par Poutine depuis son accession au pouvoir. Et pourtant, l’héroïsme ukrainien avec une résilience exemplaire de la population et avec l’appui croissant des pays occidentaux, a mis en échec les plans concoctés au Kremlin. La guerre est désormais là, inscrite dans la durée avec son cortège de destructions et de pertes humaines, en particulier pour la population civile, cible des frappes russes.

Un an de conflit qui a profondément modifié l’échiquier international. Il y eut le 11 septembre 2001, ouvrant une période géopolitique de vingt ans et qui s’est achevé par le retrait douloureux des États-Unis de Kaboul à l’été 2021. Le 24 février 2022 ouvre une période dont personne ne peut aujourd’hui entrevoir une éventuelle sortie de crise. Rien ne sera comme avant et les architectures de sécurité d’hier seront à revoir complètement avec au moins une certitude : un nouveau « rideau de fer » va durablement séparer la Russie de l’Europe et dont la responsabilité incombe à Moscou : ses objectifs politiques n’ont pas changé depuis un an, même si aucun d’eux n’a été réellement atteint grâce à l’efficacité de la défense ukrainienne.

Dès lors, même si le temps de l’écriture de l’histoire de cette guerre n’est pas encore arrivé, il importe désormais d’en tirer de nombreuses leçons sur les plans militaires, économiques, diplomatiques et politiques. Des équilibres vont apparaître avec une nouvelle course aux armements face aux puissances impériales privilégiant le rapport de force pour imposer leurs ambitions. De la « mondialisation heureuse » balayée notamment par la crise sanitaire de la Covid-19, nous sommes désormais dans la multipolarité agressive.

D’où le besoin d’une remontée en puissance annoncée par la France avec la Revue nationale stratégique présentée en novembre dernier et l’annonce de la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 avec un montant annoncé de 413 milliards d’euros. Un effort sans précédent depuis la fin des années 1960 ! Après une LPM de réparation, une LPM de transformation pour renforcer notre sécurité et celle de nos partenaires stratégiques tout en réaffirmant le besoin d’une Europe plus forte. ♦

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Février 2023 - n° 857

24 février 2022, un an après… (1/2)

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