Depuis le 24 février 2022, Moscou insiste et voudrait faire croire que l’aide occidentale à l’Ukraine signifie une cobelligérance. Or, cela n’a pas de fondement juridique d’autant plus que les pays octroyant des armements à Kiev ont dès le début bien signifié qu’il n’y aurait pas d’engagement de troupes en soutien du pays agressé. Cela met cependant le droit international à l’épreuve au regard de cette guerre.
Belligérance et cobelligérance
Belligerence and Cobelligerence
Since 24 February 2022 Moscow has been continually wanting to give the impression that Western aid to Ukraine amounts to cobelligerence. There is no legal basis for this, especially since those countries offering arms to Kyiv made quite clear from the outset that there would be no troops committed in support of the country suffering aggression. This aspect of the war nevertheless represents a test of international law.
Les deux situations ne peuvent pas être traitées indépendamment l’une de l’autre, puisque l’état de cobelligérance suppose une belligérance fondatrice. On aimerait penser que ces notions sont claires, envisagées par des règles juridiques fermes et précises, celles du droit de la guerre. En réalité, il n’en est rien, et le brouillard du droit est une composante du brouillard de la guerre en général. Le Dictionnaire du droit international public, dirigé par le juriste international belge Jean Salmon en 2001, ne mentionne pas le terme de « cobelligérance ». Avant la Charte de l’ONU, les règles étaient plus simples lorsqu’existait un droit de la guerre, comportant le jus ad bellum et le jus in bello, respectivement le droit de recourir à la force armée, monopole étatique, et le droit applicable aux actions guerrières, surtout en termes d’interdictions et de limites.
Le brouillard de la belligérance
Depuis la Charte de l’ONU en 1945, la guerre est en principe illicite, du moins sous ce nom. Elle connaît d’autres dénominations : agression, légitime défense, action coercitive menée par ou avec l’autorisation du Conseil de sécurité, voire intervention d’humanité. Il n’y a plus alors de jus ad bellum, ni d’égalité des belligérants, mais une opposition entre usage licites et illicites de la force armée, surtout l’agression. En revanche, le jus in bello, devenu droit humanitaire, maintient l’égalité entre les parties prenantes à un conflit : tous sont également liés par des règles qui sont des obligations absolues, largement définies par les Conventions de Genève de 1949 et par les Protocoles de 1977 (1), auxquels s’ajoutent diverses normes particulières, plus anciennes ou plus récentes. Le terme de conflit armé, international ou non international, s’est substitué à celui de guerre.
On continue cependant à employer l’expression de « belligérants », et la cobelligérance connaît une nouvelle popularité médiatique dans le contexte du conflit russo-ukrainien. Ces deux États sont officiellement les seuls belligérants, sans qu’il y ait eu de déclaration de guerre, ni de reconnaissance internationale d’un état de guerre, les uns parlant d’agression et les autres de légitime défense, cependant que le droit humanitaire s’applique aux deux parties. La belligérance semble donc se confondre avec l’agression – mais celle-ci peut être directe ou indirecte, auquel cas elle est opérée par des milices ou d’autres combattants qui, sans être ouvertement liés à un État, agissent en réalité pour son compte.
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