Dès le début de l’invasion russe, la rhétorique nucléaire a été agitée par la propagande du Kremlin, accroissant l’anxiété occidentale face à un éventuel usage de l’arme atomique. Au final, ces discours ont plutôt été contre-productifs, d’autant plus que les Occidentaux ont fait preuve de sobriété.
Le piège nucléaire de Vladimir Poutine
Vladimir Putin’s Nuclear Trap
Since the beginning of the Russian invasion, nuclear rhetoric has been stirred up by Kremlin propaganda, increasing Western anxiety over the possible use of atomic weapons. Such language has nevertheless been largely counter-productive, particularly since the West has shown restraint.
Du sang, des larmes et des ruines… C’est à peu près ce que, depuis le 24 février 2022, l’offensive russe en Ukraine offre au monde, sous nos yeux d’abord hagards, puis interrogatifs. Pourtant, à l’horreur et à la sidération s’est invitée assez vite la peur, celle qu’évoque l’arme nucléaire dont la simple allusion fait frémir les populations.
Rappelons brièvement ce qu’est la dissuasion. Bruno Tertrais la définit ainsi : « [C’]est un mode de prévention de l’agression sans emploi de la force, comme la diplomatie ou la sécurité collective. Il ne s’agit pas d’inciter un acteur à faire tel ou tel geste, par le raisonnement (persuasion) ou par la contrainte (coercition), mais de l’inciter à ne pas agir (1). » C’est donc une arme de non-emploi dont l’efficacité se jauge à sa non-utilisation. Un raisonnement contre-intuitif que les opposants reprennent à leur compte en lui opposant son inutilité ; un décalage de compréhension qui pose d’emblée la dissuasion entre les mains « d’experts » et confirme que sa réflexion ne répond pas à des logiques intellectuelles communes. Pourtant, l’invasion russe vient bousculer cette notion et confirme l’entrée de notre ère dans le troisième âge nucléaire (2) ; le concept de non-emploi se trouve remis en question au profit d’une sanctuarisation agressive favorisant des crises périphériques ; ouvrant ainsi de nouveaux espaces de réflexion et d’analyse de la posture stratégique (française).
En d’autres termes, l’Ukraine paye le prix d’une mutation de nos enjeux, l’arme nucléaire devenant la variable d’ajustement de nos relations géopolitiques, quand auparavant elle était la garante de la sécurité internationale. Un tel changement que la Russie impulse nous forcerait à changer notre dissuasion de visage, pour devenir une arme protégeant des velléités hégémoniques et coloniales (3), c’est le piège que nous tend Vladimir Poutine, allons-nous tomber dedans ? Il joue sur trois tableaux : le signalement nucléaire et sa rhétorique (1) en pariant sur l’impopularité de l’arme nucléaire dans les États occidentaux (2) et en prenant le risque de crisper les États non dotés (3).
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