Mars 2023 - n° 858

24 février 2022, un an après… (2/2)

« Les vrais vaincus de la guerre, ce sont les morts »

Ernest Renan
136 pages

24 février 2022, 24 février 2023 : un an jour pour jour d’une guerre inutile et destructrice. L’« opération militaire spéciale » ordonnée par Vladimir Poutine afin de démilitariser, dénazifier et neutraliser l’Ukraine est devenue un vaste fiasco pour le Kremlin. Aucun des plans concoctés n’a réellement fonctionné et les forces russes, après avoir cru se saisir de Kiev, la capitale d’un régime honni par les Siloviki russes, s’efforcent de reprendre l’initiative sur la ligne de front dans le Donbass. L’Ukraine, soutenue principalement par les États-Unis et les pays européens – que ce soit via l’Otan ou l’UE – a su résister. Paradoxalement, l’agression russe a catalysé l’unité nationale ukrainienne et a accéléré la modernisation et la normalisation de la société ukrainienne avec la lutte contre la corruption et la volonté de rejoindre l’UE. Certes, le chemin sera encore long avant une pleine intégration, mais le cap est franchi. Lire la suite

  p. 1-1

Notre monde évolue sans pour autant que l’on sache vraiment vers quelles perspectives. Progrès, compétition, concurrence, confrontation, déclin… Autant de mutations qu’il faut appréhender. Cela signifie également de réfléchir dans une démarche prospective s’inscrivant dans le temps long. Lire les premières lignes

  p. 5-16

24 février 2022, un an après… (2/2)

La guerre en Ukraine nous oblige à voir que le monde est plus divisé que jamais. L’Union européenne et l’Otan se doivent de réagir alors même que le référent occidental est remis en cause. Ce nouvel ordre mondial doit inciter la France à retrouver puissance et influence. Lire les premières lignes

  p. 19-24

La guerre en Ukraine a relancé le concept d’économie de guerre. Cela signifie de mobiliser de nouvelles ressources et des processus d’acquisition plus performants. Le Service du commissariat des armées (SCA) pourrait jouer un rôle majeur afin de répondre aux besoins à venir en s’appuyant sur ses différentes expertises. Lire les premières lignes

  p. 25-30

La Russie, malgré sa puissance aérospatiale, n’a pas réussi à obtenir la supériorité aérienne. La Défense sol-air (DSA) de l’Ukraine a été relativement efficace, obligeant Moscou à revoir sa stratégie. Les enseignements tirés sont nombreux dont l’usage massif des drones, justifiant le besoin de nouvelles capacités. Lire les premières lignes

  p. 31-37

Dès le début de l’invasion russe, la rhétorique nucléaire a été agitée par la propagande du Kremlin, accroissant l’anxiété occidentale face à un éventuel usage de l’arme atomique. Au final, ces discours ont plutôt été contre-productifs, d’autant plus que les Occidentaux ont fait preuve de sobriété. Lire les premières lignes

  p. 38-46

Avec le développement des réseaux sociaux, la propagande et le complotisme viennent fragiliser nos sociétés démocratiques. La Russie a bien compris l’intérêt à manipuler les opinions publiques à l’Ouest avec un narratif déformant la réalité pour répondre à des objectifs politiques ouvertement assumés. (Propos recueillis par Alexandre Trifunovic). Lire les premières lignes

  p. 47-53

La Turquie entretient des liens étroits avec l’Ukraine, notamment en y exportant des armements dont les drones Bayraktar. Cependant, Ankara s’efforce également de pouvoir jouer un rôle de médiateur avec Moscou, avec plus ou moins d’efficacité. Le séisme du 6 février 2023 risque néanmoins de freiner ces prises d’initiatives diplomatiques. Lire les premières lignes

  p. 54-59

La neutralité helvétique est une réalité ancienne qui a permis à Berne d’éviter de devoir prendre parti. Avec la guerre en Ukraine, cette position diplomatique est fragilisée et oblige désormais la Suisse à réfléchir sur une évolution de son statut et à accepter de nouvelles modalités dans sa politique étrangère. Lire les premières lignes

  p. 60-64

La Suède, traditionnellement neutre, a choisi – face à la menace croissante de la Russie – de demander dans l’urgence, simultanément avec la Finlande, à pouvoir adhérer à l’Otan. Cela permettrait d’accroître le niveau de sécurité de la région scandinave au regard des ambitions de Moscou. Lire les premières lignes

  p. 65-71

La Russie de Vladimir Poutine s’enfonce dans la guerre sans même s’en rendre compte, aveuglée par un Tsar croyant restaurer un ordre passé. Cette fuite en avant dévoile en fait la faiblesse intrinsèque d’un État où le mensonge et la duplicité sont les règles de fonctionnement. La Russie est-elle une nouvelle barbarie ? Lire les premières lignes

  p. 72-76

Il y a 50 ans

RDN 320, mars 1973Sommaire 320, mars 1973En mars 1973, la Détente en Europe commence à être une réalité tangible avec une baisse des tensions militaires. La Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) commence ses travaux à Helsinki avec des perspectives plutôt positives, tandis que le Marché commun amorce une esquisse d’Union européenne, même si cela se limite encore à l’Europe de l’Ouest. Les interdépendances deviennent réalité, obligeant tous les acteurs – dont les États-Unis – à faire un pas en avant vers plus de discussions et de concessions. Lire les premières lignes

  p. 78-78

Opinions

Nos Outre-mers sont un atout majeur, mais hélas trop souvent négligés. Leur économie reste administrée et mal exploitée en dépit d’un potentiel réel. Il faudrait ainsi revoir un cadre institutionnel encore trop rigide et sortir d’un statu quo, d’autant plus qu’ils sont de vrais relais d’influence. Lire les premières lignes

  p. 79-87

Repères

Les normes fixent notre environnement tant civil que militaire. Ainsi, il appartient au Centre de normalisation de défense de définir et proposer le corpus normatif dont celui fixé par l’Otan (STANAG) qui s’impose à nos armées. Le CND participe à coordonner une activité essentielle pour garantir l’efficacité opérationnelle. Lire les premières lignes

  p. 88-91

L’apport des mathématiques de la décision – la théorie des jeux – contribue directement à la réflexion tactique et stratégique. La modélisation de choix possibles permet une contribution au processus décisionnel du chef militaire, sans pour autant être le seul critère d’appréciation de la situation opérationnelle. Lire les premières lignes

  p. 92-98

La théorie des jeux développée à partir des années 1940 a profondément évolué grâce à de nouveaux outils statistiques, permettant d’appréhender des situations complexes. Cela autorise des transformations à venir pour l’emploi de ces théories dans l’analyse stratégique et les futurs environnements. Lire les premières lignes

  p. 99-103

Opinions

Les reporters de guerre, même à l’heure des réseaux sociaux, restent indispensables pour rendre compte de la réalité de la guerre. Les risques sont réels et nombre d’entre eux y ont laissé la vie comme le légendaire Robert Capa. Rapporter la guerre demeure essentiel face à la désinformation. Lire les premières lignes

  p. 104-108

Approches régionales

L’Asie centrale fait l’objet de l’intérêt par les grandes puissances environnant la zone. Alors que les États-Unis sont plutôt sur le repli, la Turquie, la Russie et la Chine ont des ambitions géopolitiques, sans oublier l’Iran. L’activisme de ces États traduit la multipolarité croissante d’un nouvel ordre mondial désordonné. Lire les premières lignes

  p. 109-114

Chroniques

L’organisation du commandement pour la conduite d’une opération est décisive pour en assurer l’efficacité. Une mauvaise répartition des responsabilités a toujours fragilisé la chaîne opérationnelle au risque de l’échec. Quelques précédents historiques illustrent l’importance de l’unicité de la direction en charge du théâtre d’engagement. Lire les premières lignes

  p. 115-120

Le Pérou connaît une forte instabilité politique et institutionnelle quasi permanente avec six Présidents depuis 2016. Cette crise nationale a des impacts sociaux mais aussi au niveau régional dans une Amérique latine en forte turbulence, d’autant plus que la crise sanitaire de la Covid-19 y a été dramatique. Lire les premières lignes

  p. 121-126

Recensions

Torres Félix & Dänzer-Kantof Boris : Les Atomes de la mer. La propulsion nucléaire française. Histoire d’un outil de dissuasion  ; Éditions Le Cherche Midi, 2022 ; 592 pages - Claude Borgis

La filière française de la propulsion nucléaire n’a pas eu, malgré le tour de force technologique qu’elle a représenté, le retentissement qu’elle aurait mérité parmi les grandes réalisations nationales de la période des « Trente Glorieuses » comme la bombe atomique, le développement de l’aéronautique et des missiles militaires ou civils. Écrit par deux historiens du domaine nucléaire, cet ouvrage vient combler cette lacune. Ce livre très détaillé et pour lequel de nombreux spécialistes ont été consultés, présente l’histoire passionnante de la propulsion nucléaire française. Lire la suite

  p. 127-130

Sur une juste intuition, l’histoire mondiale au XXe siècle a été infléchie. En poste à Londres, Maxime Litvinov parvient à convaincre sa hiérarchie soviétique de l’intérêt de recruter des jeunes Britanniques issus des classes supérieures. Objectif : intégrer les cercles dirigeants politiques et du renseignement pour les espionner au service de la cause révolutionnaire. Ce recrutement de haute volée, qui va nourrir le Kremlin en informations d’une extrême sensibilité, est piloté par Artour Khristianovitch Artouzov, maître d’œuvre de l’espionnage industriel en Allemagne et aux États-Unis pour le compte de l’URSS. Lire la suite

  p. 130-132

Revue Défense Nationale - Mars 2023 - n° 858

24 février 2022, un an après… (2/2)

Our world is evolving and yet the future remains largely unknown. Progress, rivalry, competition, confrontation and decline are all changes we need to apprehend. We need to look ahead, to give consideration to the long-term future.

24 February 2022, One Year Later… (2/2)

The war in Ukraine is a clear demonstration that the world is more divided than ever. The European Union and NATO have a duty to react even though Western ethics are being called into question. This new world order should encourage France to recover its power and influence.

The war in Ukraine has revived the concept of a war economy, one which mobilises new resources and better-performing procurement processes. The armed forces’ support service (SCA—Service du commissariat des armées) is able to play a major role in responding to future needs by drawing upon its wide range of expertise.

In spite of its aerospace power, Russia has been unable to achieve air superiority. Ukraine’s ground-based air defence (GBAD) has been relatively effective, compelling Moscow to revise its strategy. There are many lessons to be learned which justify the need for new capabilities, among which the massive use of drones.

Since the beginning of the Russian invasion, nuclear rhetoric has been stirred up by Kremlin propaganda, increasing Western anxiety over the possible use of atomic weapons. Such language has nevertheless been largely counter-productive, particularly since the West has shown restraint.

Taking advantage of the development of social networks, propaganda and conspiracy theories are beginning to weaken our democratic societies. Russia has well understood the interest in manipulating Western public opinion with a dialogue that distorts reality in order to support openly-declared political objectives. (Dialogue recorded by Alexandre Trifunovic).

Turkey maintains close links with Ukraine—in particular in its exportation of arms, including Bayraktar drones. At the same time Ankara is trying hard to play the role of mediator with Moscow, to a certain extent effectively. The earthquake of 6 February 2023 nevertheless risks putting the brake on these diplomatic initiatives.

Age-old Swiss neutrality has long allowed Berne to avoid having to take sides, yet the war in Ukraine is weakening this diplomatic position. Switzerland is now having to consider a change in its status and to accept new ways of exercising its foreign policy.

In the face of a growing Russian threat, traditionally neutral Sweden has made the decision to seek rapid membership of NATO. Finland, too, has requested to join. Their membership would allow greater security of the Scandinavian region with regard to Moscow’s ambitions.

Blinded by a Tsar believing he is restoring a past order, Vladimir Putin’s Russia is getting entrenched into the war without even realising it. This headlong rush is lifting the veil on the intrinsic weakness of a state in which lies and duplicity are the operating rules. Is Russia a new barbarian?

Fifty years ago

Opinions

Our overseas territories are a major asset, yet sadly too often neglected. Their economy remains under administration and is poorly managed in spite of true potential. An excessively rigid institutional framework needs to be revised in order to depart from the status quo, given that these lands have a genuine capability for influence.

Viewpoints

Standards define our environment, be it civilian or military. Given that, it is the job of the Defence standardisation centre (CND—Centre de normalisation de défense) to define and propose the standardisation structure to be followed by our forces, including that established by NATO STANAGs. The CND contributes to coordinating activities essential to ensuring operational effectiveness.

Game theory, the mathematical modelling of decision-making, contributes directly to tactical and strategic thought processes. Modelling of possible choices offers support to the military commander’s decision process yet without becoming the sole criterion of appreciation of the operational situation.

Game theory was developed from the 1940s and has considerably evolved through the use of new statistical tools which allow complex situations to be better understood. This opens up possibilities for further development for using the theory in strategic analysis and future environments.

Opinions

Even in these days of social networks, war reporters remain essential for bringing out the reality of war. The risks they run are real and many among them have lost their lives whilst on mission, such as the legendary Robert Capa. Reporting war remains essential in the face of disinformation.

Regional Approaches

Central Asia is an area of interest for the major powers that surround it. As the United States generally withdraws, Turkey, Russia and China are showing geopolitical ambitions; Iran, too. The activism of these countries is evidence of the growing multi-polarity of a new and chaotic world order.

Chronicles

The command structure for conducting an operation is decisive in ensuring its effectiveness. Poor division of responsibilities has always weakened the operational chain of command, increasing the risk of failure. Here, a few historical precedents illustrate the importance of a single point of command in charge of a theatre of commitment.

Peru is experiencing pronounced and virtually permanent political and institutional instability, with six Presidents since 2016. This crisis is having a social impact both domestically and regionally, in a highly turbulent Latin America that suffered dramatically from the Covid-19 health crisis.

Book Reviews

Torres Félix & Dänzer-Kantof Boris : Les Atomes de la mer. La propulsion nucléaire française. Histoire d’un outil de dissuasion  ; Éditions Le Cherche Midi, 2022 ; 592 pages - Claude Borgis

Revue Défense Nationale - Mars 2023 - n° 858

24 février 2022, un an après… (2/2)

24 février 2022, 24 février 2023 : un an jour pour jour d’une guerre inutile et destructrice. L’« opération militaire spéciale » ordonnée par Vladimir Poutine afin de démilitariser, dénazifier et neutraliser l’Ukraine est devenue un vaste fiasco pour le Kremlin. Aucun des plans concoctés n’a réellement fonctionné et les forces russes, après avoir cru se saisir de Kiev, la capitale d’un régime honni par les Siloviki russes, s’efforcent de reprendre l’initiative sur la ligne de front dans le Donbass. L’Ukraine, soutenue principalement par les États-Unis et les pays européens – que ce soit via l’Otan ou l’UE – a su résister. Paradoxalement, l’agression russe a catalysé l’unité nationale ukrainienne et a accéléré la modernisation et la normalisation de la société ukrainienne avec la lutte contre la corruption et la volonté de rejoindre l’UE. Certes, le chemin sera encore long avant une pleine intégration, mais le cap est franchi.

Les conséquences du conflit voulu par Moscou sont innombrables et vont profondément modifier l’échiquier mondial. Tout d’abord, l’intransigeance russe avec un jusqu’au-boutisme suicidaire aboutit à un nouveau rideau de fer séparant pour des décennies la Russie du reste de l’Europe. Même si des négociations de paix aboutissaient un jour, le degré de haine – dû notamment aux exactions russes – est tel que le fossé sera infranchissable pour des générations. De fait, si le 11 septembre 2001 a marqué l’ordre mondial pendant deux décennies avec l’échec des projets dirigés par les États-Unis de Nation building en Irak et en Afghanistan, le 24 février 2022 marque une bascule géopolitique bien plus grave et personne n’est en mesure d’en tirer toutes les conclusions. Moscou a pensé pouvoir bousculer et remettre en cause l’ordre international. Celui-ci est effectivement fragilisé et se révèle incapable de faire cesser l’invasion russe.

Si le conflit est, depuis le début, existentiel pour Kiev, dont la souveraineté et l’indépendance sont niées par Moscou, il l’est aussi devenu pour le régime de Poutine qui ne peut pas échouer dans sa conquête. Il l’est également pour l’Union européenne avec une guerre de haute intensité à ses frontières orientales qui menace de nombreux États-membres ayant encore en mémoire le joug soviétique imposé à Yalta en 1945. La croyance en l’intégration par le « doux commerce » illustré par la dépendance au gaz russe s’est effondrée, obligeant à tout revoir, à commencer par la politique énergétique de plusieurs pays dont l’Allemagne, mais aussi pour la défense, avec le besoin de réinvestir dans des outils militaires fortement réduits par des années de « dividendes de la paix ». C’est aussi réfléchir et passer dans une forme d’économie de guerre. Plus que jamais, le sort de la paix en Europe va dépendre des capacités à fournir des obus en grande quantité à l’Ukraine et à regarnir des stocks occidentaux qui avaient déjà été bien rabotés car l’on pensait naïvement que la guerre n’était plus d’actualité.

Il est certes encore trop tôt pour faire le bilan d’un an de guerre, mais il y a au moins une certitude : l’Europe serait la première victime d’une défaite de l’Ukraine.

24 février 2023

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Mars 2023 - n° 858

24 février 2022, un an après… (2/2)

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