La Turquie entretient des liens étroits avec l’Ukraine, notamment en y exportant des armements dont les drones Bayraktar. Cependant, Ankara s’efforce également de pouvoir jouer un rôle de médiateur avec Moscou, avec plus ou moins d’efficacité. Le séisme du 6 février 2023 risque néanmoins de freiner ces prises d’initiatives diplomatiques.
Le positionnement stratégique de la Turquie dans la guerre en Ukraine
Turkey’s Strategic Position Regarding the War in Ukraine
Turkey maintains close links with Ukraine—in particular in its exportation of arms, including Bayraktar drones. At the same time Ankara is trying hard to play the role of mediator with Moscow, to a certain extent effectively. The earthquake of 6 February 2023 nevertheless risks putting the brake on these diplomatic initiatives.
La Turquie a exprimé son soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine dès 2014. Elle s’était alors opposée à l’annexion de la Crimée (1) par la Russie et à l’appui apporté par le pouvoir russe aux séparatistes pro-russes contre les forces gouvernementales ukrainiennes dans la guerre du Donbass. Le 22 février 2022, le président turc Erdoğan a condamné la reconnaissance par la Russie de l’indépendance des régions séparatistes pro-russes de Donetsk et Louhansk (2) et, deux jours plus tard, l’invasion de l’Ukraine par la Russie (3).
Par ailleurs, face à la Russie, la puissance turque dispose d’un atout de poids : celui du contrôle des détroits des Dardanelles et du Bosphore en vertu de la Convention de Montreux de 1936. Celle-ci garantit la libre circulation des navires marchands dans les détroits turcs, tandis que la circulation des navires de guerre est soumise à certaines restrictions qui varient selon que ces navires appartiennent ou non à des États riverains de la mer Noire (4). En temps de guerre, la Convention contient des dispositions spéciales stipulant que la Turquie est autorisée à fermer les détroits à tout bâtiment de guerre étranger (5), surtout si elle est elle-même menacée. Le 27 février, la Turquie, ayant qualifié la situation en Ukraine d’état de guerre, a été en mesure d’invoquer la Convention de Montreux pour limiter le transit des navires russes dans les détroits turcs, soulignant qu’en pareille situation, le passage des navires de guerre était laissé à l’entière discrétion du gouvernement turc (6). En outre, le 23 avril 2022, Ankara a décidé de fermer pendant trois mois, son espace aérien aux avions militaires et civils russes assurant des liaisons avec la Syrie (7), une décision qui lui a permis de faire pression sur la Russie vraisemblablement afin de négocier les conditions de son intervention contre les Kurdes de Syrie (8).
Plus d’un an après le début du conflit et face au risque d’enlisement, le positionnement de plus en plus favorable de la Turquie vis-à-vis de l’Ukraine au détriment des relations russo-turques, pourrait impacter l’évolution des équilibres géostratégiques actuels.
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