La Russie de Vladimir Poutine s’enfonce dans la guerre sans même s’en rendre compte, aveuglée par un Tsar croyant restaurer un ordre passé. Cette fuite en avant dévoile en fait la faiblesse intrinsèque d’un État où le mensonge et la duplicité sont les règles de fonctionnement. La Russie est-elle une nouvelle barbarie ?
Le Poutine volant, un opéra de Wagner
The Flying Putin, an Opera by Wagner
Blinded by a Tsar believing he is restoring a past order, Vladimir Putin’s Russia is getting entrenched into the war without even realising it. This headlong rush is lifting the veil on the intrinsic weakness of a state in which lies and duplicity are the operating rules. Is Russia a new barbarian?
Le 23 février 2022 – la veille du début de « l’opération militaire spéciale » – on donne à la Scala de Milan, La Dame de Pique (1890) de Tchaïkovski, qui commence par une scène de fête et un chœur d’enfants. Je sais l’attachement russe aux dates anniversaires – le 23 février est la fête de l’Armée rouge –, mais de là à imaginer que, sous la direction du chef d’orchestre russe Valery Gergiev, les enfants puissent apparaître sur scène habillés en militaires soviétiques, portant des kalachnikovs, je n’en crois pas mes yeux. Connaissant le contexte et les rumeurs d’une possible guerre, je me recroqueville, attendant une réaction houleuse de la salle. Elle n’a pas eu lieu. J’ai alors pensé être la seule à savoir ce qu’était le 23 février pour les Russes.
Le lendemain matin, la guerre avait commencé. Le maire de Milan a résilié le contrat avec Gergiev. Comme c’est souvent le cas en Russie, l’art a précédé le pouvoir, et la déclaration de cette guerre a été faite le jour anniversaire d’une armée jadis grande. Un an plus tard, nous découvrons une armée de pilleurs dont les généraux ne sont plus respectés par leurs soldats.
Il y a cent ans, au milieu de la Première Guerre mondiale, Kasimir Malevitch exposait son célèbre tableau Carré noir sur fond blanc. Il l’a placé, comme le veut la tradition orthodoxe, dans un coin gauche de la salle, à la place d’une icône. Cette icône noire est devenue le nouveau drapeau d’une Russie qui nous a définitivement quittés en 2022. Noire ? La Russie de Poutine était déjà la zone grise de la Realpolitik occidentale. Un pays sans autre idéologie que l’argent confortait tout le monde, y compris la gauche démocratique. « Rien de personnel » pourrait dire Angela Merkel en ouvrant le gazoduc Nord Stream au lendemain de la guerre éclair entre la Russie et la Géorgie en 2008, juste du business !
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