Les reporters de guerre, même à l’heure des réseaux sociaux, restent indispensables pour rendre compte de la réalité de la guerre. Les risques sont réels et nombre d’entre eux y ont laissé la vie comme le légendaire Robert Capa. Rapporter la guerre demeure essentiel face à la désinformation.
Les reporters de guerre
War Reporters
Even in these days of social networks, war reporters remain essential for bringing out the reality of war. The risks they run are real and many among them have lost their lives whilst on mission, such as the legendary Robert Capa. Reporting war remains essential in the face of disinformation.
Les reporters de guerre parcourent les zones de conflits pour rendre compte des événements qui s’y déroulent. Ces globe-trotteurs du journalisme proposent au grand public leur expérience de la guerre qu’ils vivent au plus près. Ils sont au cœur même des situations qu’ils décrivent. Témoins des grands tumultes qui secouent la planète, ces aventuriers dans l’âme ont pour mission d’informer. Pourtant, ces acteurs majeurs dans la civilisation de la communication sont parfois accusés de privilégier le sensationnel, une dérive qui est la conséquence du pouvoir extraordinaire des images.
Les reporters dans la civilisation de l’image
Avec leur habillage émotionnel, les reproductions audiovisuelles agissent fortement sur les fibres ultrasensibles de l’émoi, de la colère et de la passion. La société contemporaine est de plus en plus marquée par la culture du spectacle permanent dans laquelle notre attirance pour le monde des images qui nous submergent l’emporte souvent sur le monde des idées. La nouvelle génération est ainsi taillée sur mesure pour répondre aux besoins de ce que certains sociologues appellent la « vidéocratie ». Les images se sont imposées comme les supports les plus efficaces de la communication. Elles apportent une plus-value incontestable, mais elles peuvent aussi être l’objet de manœuvres artificieuses d’exploitation pour orienter les jugements, voire tromper les opinions. À ce titre, elles sont susceptibles de se transformer en armes de persuasion massive qui peuvent être particulièrement redoutables dans nos sociétés ouvertes, (sur)informées en continu, connectées dans le village planétaire, fébriles et impatientes.
Dans ce chapitre, la controverse sur le charnier de Timisoara, survenue dans la tourmente de la révolution roumaine qui a abouti à la chute de Ceaucescu en décembre 1989, a mis en lumière des mensonges d’une ampleur insoupçonnée. L’affaire commence par des comptes rendus horrifiants des médias occidentaux accompagnant les images terribles de cadavres gisant aux abords de cette petite agglomération de Roumanie. Dans un climat enfiévré, on parle de centaines puis de milliers de morts. Des annonces effarantes sont avancées sans aucun contrôle. On va même jusqu’à dire que des corps avaient été vidés de leur sang pour satisfaire les besoins de Ceaucescu qui, atteint de leucémie, avait un impérieux besoin de transfusion sanguine tous les mois. Entre fin décembre 1989 et début janvier 1990, les explications des images insoutenables vont crescendo dans l’épouvante. C’est à qui choquera le plus dans l’ignominie. La vérité est finalement révélée le 30 janvier 1990 par Le Figaro : les morts montrés sur les images avaient été déterrés du cimetière de la ville pour être recensés. Certes, la répression de la révolution populaire par la police du dictateur roumain avait été violente, mais une enquête approfondie a conclu qu’il n’y avait pas eu de massacres ni de charniers à Timisoara. Tout est parti d’une rumeur non vérifiée, reprise et amplifiée dans le tourbillon d’une concurrence médiatique incontrôlée. C’est ainsi qu’est né le syndrome de Timisoara qui incite dorénavant les observateurs à se méfier de la diffusion des rumeurs et des images « choc ». Face à cette problématique, comment ne pas méditer les conseils précieux de Philippe Labro dans son éditorial du quotidien Le Figaro (17 décembre 2012) : « Le chroniqueur se doit d’éviter le tsunami politique ou le coup de tonnerre, […]. Il vit dans l’obligation de la relecture, la coupe claire : vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Ça s’appelle peigner dans notre langage professionnel. […]. Il faut vérifier ses sources (check and double check), […], ne pas se vautrer […] dans la métaphore gratuite, le cliché si pratique ».
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