L’organisation du commandement pour la conduite d’une opération est décisive pour en assurer l’efficacité. Une mauvaise répartition des responsabilités a toujours fragilisé la chaîne opérationnelle au risque de l’échec. Quelques précédents historiques illustrent l’importance de l’unicité de la direction en charge du théâtre d’engagement.
Histoire militaire - Le général Guerassimov, nommé commandant du théâtre ukrainien : quelques précédents
Military History–General Gerasimov, Commander of the Ukrainian Theatre: Some Prededents
The command structure for conducting an operation is decisive in ensuring its effectiveness. Poor division of responsibilities has always weakened the operational chain of command, increasing the risk of failure. Here, a few historical precedents illustrate the importance of a single point of command in charge of a theatre of commitment.
La nomination du général Valeri Guerassimov au poste de commandant du théâtre ukrainien pour l’armée russe a surpris et a donné lieu à un certain nombre de commentaires. Avant de les prononcer, encore convient-il de laisser parler l’histoire, tant de l’armée russe que la nôtre, tout en ne perdant pas de vue que la culture slave de la Russie est radicalement différente de notre cartésianisme.
Le précédent soviétique
Si on se reporte à ce que les Russes dénomment la « Grande guerre patriotique », à savoir le conflit germano-soviétique de 1941-1945, qu’observe-t-on ? Durant la Seconde Guerre mondiale, dans les deux camps, allemand comme soviétique, l’organisation du commandement était viciée par la nature totalitaire des deux régimes qui amenait une confusion entre le distinguo de la conduite de la guerre, de nature politique, et celle des opérations, de nature spécifiquement militaire. Staline comme Hitler ont outrepassé leur rôle et sont intervenus, souvent à temps et à contretemps dans la conduite des opérations, parfois jusqu’au plus bas niveau tactique, pour le second. À ce titre, la responsabilité de Staline dans les désastres initiaux soviétiques de l’été 1941 est lourde, dans la mesure où c’est lui-même qui a formellement interdit tout repli depuis les positions frontières. Il en est de même pour Hitler, lorsqu’il a refusé à Manstein, à la fin de l’été 1943, toute idée de repli sur le Dniepr, dont la rive occidentale dominant la rive opposée et sa largeur considérable permettaient l’installation d’une solide position défensive.
La Stavka, le commandement suprême de l’ancienne armée tsariste, est remise sur pied le lendemain de l’agression allemande, mais c’est Staline, autoproclamé maréchal, qui en prend la direction. L’état-major général subsiste, sous ses ordres, et est chargé de la planification stratégique de la guerre. Il est successivement placé sous les ordres des maréchaux Chapochnikov et Vassilevski. Cependant, Staline va user d’un mode de commandement particulier en se servant de Joukov comme coordonnateur des différents fronts (échelon de commandement correspondant à celui de groupe d’armées) dans les phases décisives du conflit : la défense de Moscou en novembre 1941, suivie de la contre-offensive de décembre, de Stalingrad d’octobre 1942 à février 1943 et de l’assaut contre Berlin en avril-mai 1945. Pour lui donner l’autorité suffisante, Joukov se trouvait nommé adjoint du commandant suprême, c’est-à-dire Staline, au nom de qui il pouvait prendre des décisions et donner des ordres. Toutefois, il n’a pas voulu pérenniser Joukov dans ses fonctions de commandant suprême, craignant de le faire apparaître après la guerre comme le grand vainqueur.
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