L'auteur est un fervent défenseur de l'arme à neutrons. Sa connaissance des milieux américains s'intéressant à la défense lui donne cependant l'occasion d'aborder d'autres sujets, comme celui qu'il a déjà traité en mars 1967 dans notre revue et qu'il reprend aujourd'hui : la défense antimissiles. Nous laissons à l'auteur l'entière responsabilité des jugements qu'il porte, en particulier sur la dissuasion et des conséquences qu'il croit pouvoir tirer de la mise en place du système préconisé par le projet « High Frontier ». Son article est surtout l'occasion de faire connaître un des courants d'opinion d'outre-Atlantique et de faire réfléchir sur le problème de la défense anti-missiles. Contrairement à ce que semblent redouter les protagonistes du projet, les véritables obstacles ne sont pas seulement dans « l'inertie de l'ordre établi dans le domaine stratégique, politique et philosophique ».
Revanche de la défense ? Le projet « High Frontier »
« Nous avons des engins capables de tuer une mouche dans le ciel », disait Nikita Khrouchtchev au début des années 60 pour annoncer le déploiement autour de Moscou des anti-missiles « Galosh » qui y sont encore, au nombre d’une centaine (1), chiffre permis par le traité SALT I par lequel les deux Grands se sont interdit le déploiement de telles défenses (mais non la recherche dans ce domaine). En ce temps-là, les États-Unis se dotaient d’un formidable arsenal offensif (décidé par Kennedy et MacNamara) de 1 000 « Minuteman » et de 41 sous-marins « Polaris », ouvrant ainsi la course aux armements stratégiques qui n’a jamais cessé depuis, en dépit des conversations SALT destinées à l’arrêter…
À la poursuite de l’équilibre de la terreur, base de la sécurité depuis Hiroshima, présumé rompu aujourd’hui en faveur des Soviétiques (qui avaient réagi aux Minuteman, Polaris, Poseidon, Mirv, par leurs SS-9, SS-18, SS-20, etc.), l’Amérique se propose d’ajouter au baril de poudre sur lequel nous vivons les MX, Pershing II, cruise missiles et autres engins offensifs, qui ajouteront encore des mégatonnes à un stock déjà surabondant pour éteindre la civilisation, puisqu’ils représentent actuellement plusieurs tonnes de TNT par habitant de la planète (2).
C’est à cette étrange conception de la sécurité basée sur la multiplicité des engins offensifs, sur la terreur nucléaire et l’impasse sur la défense, que vient de réagir un groupe d’experts américains — et non des moindres — sous la direction du général Graham. Le groupe comprend notamment Arnold Kramish, ancien du projet « Manhattan », le général Richardson, Robert Pfalzgraff, John Morse et nombre des spécialistes connus de toutes les disciplines spatiales. Ils viennent de rendre public, le 3 mars dernier, leur projet baptisé « High Frontier », dont l’application bouleverserait les bases de la stratégie américaine actuelle. Tel est d’ailleurs l’objectif recherché.
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