Editorial
Éditorial
Si depuis le 24 février 2022, une grande partie des opinions publiques, tout particulièrement en Europe, regarde avec attention et anxiété la guerre en Ukraine, il n’en demeure pas moins que l’échiquier mondial ne se limite pas aux grandes plaines de l’Est européen.
Il en est ainsi de l’Afrique ou plutôt des Afriques. Le continent bouge, se transforme, mute et remet en cause les fragiles équilibres issus des processus de décolonisation. Et de ce fait, la France se retrouve en première ligne avec le sentiment actuel d’un rejet, d’un « french bashing », voire d’une humiliation infligée à l’ancienne puissance coloniale. Effectivement, Paris a dû retirer ses forces du Mali et du Burkina Faso, et réorganiser son dispositif en le rendant plus discret et en modifiant ses modes d’action en privilégiant désormais l’appui à la formation des armées nationales. Parallèlement, de nouveaux acteurs développent une politique plus agressive avec des ambitions différentes, voire antagonistes. Ainsi, quand des manifestations « spontanées » exaltent l’amitié avec la Russie et son bras armé Wagner, on est en droit de s’interroger. Comme si le sacrifice de soldats français au Sahel n’avait servi à rien !
Alors faut-il baisser les bras et considérer que l’Afrique n’est plus notre affaire et se désengager au plus vite ? Bien au contraire, plus que jamais il faut agir mais différemment, tout en privilégiant la jeunesse qui constitue l’avenir du continent. Cela signifie faire autrement avec nos partenaires africains et européens. Cela exige aussi de savoir répondre aux stratégies de désinformation délibérément conduites par des puissances concurrentes. Une stratégie d’influence est plus que jamais nécessaire, en s’appuyant sur un atout formidable qu’est la francophonie.
Car il est impossible d’effacer l’histoire et d’oublier les liens forgés depuis des décennies avec le continent africain. Liens avec des pages douloureuses qu’il faut assumer, mais aussi des pages glorieuses qui ont construit notre destin.
Ainsi, nous célébrons le 80e anniversaire de la reconstruction des armées françaises. Défaite en 1940, et malgré l’héroïsme de la France combattante du général de Gaulle qui refusa la défaite, il fallut attendre 1943 pour que le gros des forces, principalement en Afrique, reprenne le combat aux côtés des Alliés, après le débarquement en Afrique du Nord en novembre 1942. Refonder l’armée fut une tâche complexe d’autant plus que les antagonismes étaient profonds entre Français eux-mêmes, et entre les Français et les Alliés. La rivalité de Gaulle-Giraud a été essentielle car si le second raisonnait en militaire, le premier avait compris depuis le 18 Juin que la question était d’abord politique. Et si le général de Gaulle dut accepter une forme de subordination de nos armées sous le commandement allié, il sut en tirer les leçons qu’il mit en œuvre à partir de 1958. En quelque sorte, notre ambition stratégique d’aujourd’hui prend racine dans cette reconstruction majeure engagée en 1943 avec ses succès militaires comme le démontrèrent le Corps expéditionnaire (CEF) de Juin en Italie ou la 1re Armée du général de Lattre après le débarquement de Provence. Une fois de plus, comprendre notre histoire permet de préparer l’avenir.