Mai 2023 - n° 860

Afrique, France, une nouvelle relation…

L'arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse.

136 pages

Si depuis le 24 février 2022, une grande partie des opinions publiques, tout particulièrement en Europe, regarde avec attention et anxiété la guerre en Ukraine, il n’en demeure pas moins que l’échiquier mondial ne se limite pas aux grandes plaines de l’Est européen. Lire la suite

  p. 1-1

Afrique, France, une nouvelle relation…

En tant que Français, il est toujours délicat de parler de l’« Afrique ». Nous sommes un commode usual suspect. En fait, il nous faut en permanence refaire notre cheminement intellectuel en évitant de tomber dans trois ornières idéologiques récurrentes qui interdisent ou pour le moins rendent difficile tout débat ouvert sur l’Afrique : « l’afro-pessimisme », celui d’une Afrique noire mal partie ou toujours pas partie pour reprendre le titre de l’ouvrage célèbre de René Dumont (1) de laquelle il n’y a rien à espérer et dont on détourne le regard un peu comme ces gens qui ne veulent pas voir les SDF dans la rue qui leur tendent la main ; l’accusation rémanente de tous ceux qui, dans le sillage de François-Xavier Verschave (2), vivent encore et toujours du fantasme de la Françafrique et mettent toutes les difficultés et déficiences africaines sur le seul compte de la colonisation et de ses suites ; et enfin, l’ornière de « l’afro-béatitude », celle de la méthode Coué qui résonne parfois à Addis-Abeba, entretenue par certains illuminés occidentaux qui voient une Afrique dopée par une croissance économique insolente se dirigeant à grand pas vers un horizon radieux, seulement ralentie par la cupidité et l’héritage des puissances extérieures ! Hobbes et Rousseau ne sont jamais bien loin ! Lire les premières lignes

  p. 7-8

La France, avec l’Europe, doit revoir sa façon de travailler avec l’Afrique qui est plurielle et appelle à de vrais partenariats basés sur l’équilibre et le respect. Ce travail doit s’inscrire dans la durée et avec une approche pluridisciplinaire, y compris dans les domaines de la culture et de l’éducation. Lire les premières lignes

  p. 9-13

Les relations entre la France et le continent africain, en général, et avec ses anciennes colonies, en particulier, semblent connaître un coup de décélération depuis quelques années au point parfois de dérouter les meilleurs spécialistes. Lire les premières lignes

  p. 14-19

Le sentiment anti-français s’est développé au même titre que celui anti-occidental. Mais avec plus de force, voire de haine pour de multiples raisons, avec des responsabilités partagées. Le manque de prise en compte des aspirations de la jeunesse alimente le rejet de la France dont le modèle n’apparaît plus comme attractif. Lire les premières lignes

  p. 20-26

Face aux mutations actuelles, la France doit réinvestir en Afrique en comprenant la profondeur du changement en cours, en particulier au sein de la jeunesse qui mérite d’être la priorité. Des projets crédibles et réalistes sont déjà en cours et doivent être soutenus par l’ensemble des partenaires y compris européens. Lire les premières lignes

  p. 27-32

La France a connu plusieurs échecs en Afrique. Il faut en tirer les leçons en travaillant différemment pour restaurer une confiance aujourd’hui fragilisée. Sans laisser la place par naïveté à une Russie agressive dont les milices pillent sans vergogne les ressources du Mali et de la Centrafrique. Lire les premières lignes

  p. 33-39

Le secteur privé joue un rôle majeur dans la relation de la France en Afrique. Face au développement du sentiment anti-français, les entreprises contribuent à maintenir des lieux économiques et sociétaux utiles. Rénover le partenariat avec le continent africain passe par la participation du secteur privé aux initiatives communes. Lire les premières lignes

  p. 40-45

La Corne de l’Afrique est à la croisée des chemins tant économique que géopolitique avec une importance croissante sur l’échiquier complexe entre Indo-Pacifique, Afrique et péninsule arabique. Les défis du développement sont majeurs tandis que les antagonismes politiques et ethniques restent une réalité souvent conflictuelle. Lire les premières lignes

  p. 46-52

La Russie est très active en Afrique, en s’appuyant sur les mercenaires du groupe Wagner, notamment en République centrafricaine (RCA) et au Mali. La campagne anti-française est aisément relayée par certaines élites locales, peu regardantes sur les exactions commises par Wagner et sur le pillage des ressources comme l’or. Lire les premières lignes

  p. 53-58

Il y a 50 ans

CouvertureSommaireDéjà, les enjeux autour de la formation des jeunesses africaines apparaissaient comme prioritaires à l’heure où la France révisait ses accords de défense issus du processus de décolonisation. Déjà, une meilleure coopération entre action publique et secteur privé était prônée. Déjà, il était demandé de faire preuve d’imagination pour trouver de nouvelles voies de développement. Lire la suite

  p. 60-60

Opinions-Repères

Définir la haute intensité d’un combat n’est pas chose aisée. Il peut y avoir le ressenti du combattant mais aussi la prise en compte de données factuelles. Celles-ci vont être combinées avec des facteurs de variabilité, permettant ainsi de quantifier cette notion d’intensité. Cette approche mathématique est aujourd’hui nécessaire au regard des évolutions. Lire les premières lignes

  p. 61-75

Depuis 75 ans, l’ONU conduit des opérations de maintien de la paix dans des contextes toujours complexes. Certes, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances initiales, mais ces missions restent nécessaires et permettent d’établir des dialogues constructifs entre les parties en conflit. Lire les premières lignes

  p. 76-83

La France n’est pas restée en retrait avec la guerre d’Ukraine. Cependant, sa position n’a pas toujours été bien comprise par nos partenaires, même si le soutien envers Kiev est solide et convaincant. Cette incompréhension résulte de l’exception stratégique défendue depuis longtemps par Paris. Lire les premières lignes

  p. 84-90

1943 : le réarmement français

Le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, marque une bascule majeure pour la France. Vichy perd le peu de sa souveraineté limitée tandis que Giraud et de Gaulle vont s’affronter en 1943, le premier se limitant à une approche militaire, le second ayant une vision géopolitique du conflit. Lire les premières lignes

  p. 91-96

À partir de 1943, la reconstruction des armées françaises est à la fois un enjeu militaire mais aussi politique. L’appui des Alliés est indispensable avec une subordination opérationnelle stricte. Le général de Gaulle sut forcer la main à trois reprises, dont pour la Libération de Paris, mais comprit les limitations imposées à la souveraineté française. Lire les premières lignes

  p. 97-107

Le sabordage de la Flotte à Toulon en 1942 est venu s’ajouter aux traumatismes de Mers el-Kébir et de Dakar. Les bâtiments qui restent sont endommagés et/ou dépassés. Grâce aux Alliés américains et britanniques, la Marine se remet en ordre de bataille pour participer aux opérations de la fin de la guerre. Lire les premières lignes

  p. 108-112

L’Armée de l’air va bénéficier de l’aide américaine pour se reconstruire tout en changeant de doctrine sous l’impulsion du général Bouscat, en se détachant de la tutelle de l’Armée de terre et du général Giraud, aux conceptions obsolètes quant à l’emploi de l’arme aérienne. Ce réarmement a permis une modernisation qui aboutira après 1945. Lire les premières lignes

  p. 113-116

La Marine a été durement éprouvée et son réarmement à partir de 1943 n’a pas été simple, même si les marins surent reprendre le combat aux côtés des FNFL engagées depuis la fin juin 1940. Les cessions de marines par les Alliés furent indispensables pour reconstruire la Marine après le sabordage de Toulon. Lire les premières lignes

  p. 117-121

Chronique

Si les années 1990 et 2000 ont été celles d’une croissance commune pour l’Amérique centrale, différentes crises ont mis un frein à la dynamique de l’intégration régionale. Le Salvador de Nayib Bukele qui va prendre en juin la présidence du SICA espère lui donner un second souffle. Lire les premières lignes

  p. 122-127

Recensions

Pahimi Padacké Albert : L’Afrique empoisonnée : pathologie et thérapie des conflits  ; L’Harmattan, 2023, 246 pages - Eugène Berg

LivreAlbert Pahimi Padacké a été Premier ministre du Tchad de février 2016 jusqu’à la suppression constitutionnelle de ce poste (mai 2018). À la mort du président Idriss Déby Itno (avril 2021), le Conseil militaire de transition l’a, à nouveau, nommé Premier ministre du gouvernement de transition, fonction qu’il a occupée jusqu’en octobre 2022. Il montre que le continent africain, plus que d’autres, vit dans une instabilité quasi chronique. Quelques chiffres à l’appui de cet amer constat : 16 des 54 États sont englués dans des conflits de longue durée ; 66 000 Casques bleus de l’Organisation des Nations unies, soit 70 % de leur effectif total, sont déployés en Afrique et 135 coups d’État (ou tentatives) sont survenus depuis 1960. Cette instabilité « clinique » ne manque pas d’inquiéter et, conjuguée aux problématiques de croissance démographique et de réchauffement climatique, hypothèque gravement le développement économique et social ainsi que l’avenir des générations africaines. Lire la suite

  p. 128-129

Bihan Benoist et Lopez Jean : Conduire la guerre. Entretiens sur l’art opératif  ; Éditions Perrin, 2023, 396 pages - Philippe Boulanger

livreLa réflexion sur la guerre ne se limite pas à Clausewitz. Un autre auteur a tenté – et réussi – à penser le conflit, la guerre, les rapports de force, la stratégie : le Russe Alexandre Svetchine (1878-1938). Un livre d’entretiens aussi original (compte tenu du sujet) que riche en analyses politiques et géostratégiques entre deux historiens militaires, Benoist Bihan et Jean Lopez, nous fait découvrir ce personnage riche et très largement méconnu en France. Lire la suite

  p. 129-131

Brun Jean-François : La Grande Armée, analyse d’une machine de guerre  ; Éditions Pierre de Taillac, 2023, 572 pages - Jérôme Pellistrandi

livreL’auteur, enseignant-chercheur à l’Université de Saint-Étienne et spécialiste d’histoire militaire, propose ici une somme de 572 pages portant sur l’organisation, le commandement et le fonctionnement de la Grande Armée créée par Napoléon. Ce travail colossal – un peu ingrat parfois à la lecture – couvre toutes les composantes propres à cet outil militaire qui fut sans équivalent dans l’histoire militaire moderne et dont l’influence a perduré quasiment jusqu’à la Première Guerre mondiale, voire au-delà. Lire la suite

  p. 131-132

Revue Défense Nationale - Mai 2023 - n° 860

Afrique, France, une nouvelle relation…

Africa-France, a New Relationship

France, along with with Europe, needs to revise its way of working with Africa which is many-faceted and calls upon genuine partnerships based on balance and respect. This needs to be long-term work with a multi-disciplinary approach, and should encompass the fields of culture and education.

Anti-French feeling has developed in the same way as anti-Western feeling yet with greater force—hate, even—for many reasons, and with blame on both sides. Failure to take into account the aspirations of youth is fuelling rejection of a France whose model no longer appears attractive.

In the face of current changes, France should reinvest in Africa whilst fully taking into account the extent of change in progress, particularly among the young, who deserve to be the priority. Credible and realistic projects are already underway and should be supported by all partners, European ones included.

France has suffered a number of setbacks in Africa. We need to draw lessons from them and work differently in order to restore weakened confidence whilst avoiding naïvety regarding an aggressive Russia, whose militia is shamelessly pillaging the resources of Mali and the Central African Republic.

The private sector plays a major role in French relations in Africa. In the face of developing anti-French feeling, companies contribute to maintaining useful economic and social links. Renewal of the partnership with the African continent requires private sector participation in joint initiatives.

The Horn of Africa is at an economic and geopolitical crossroads, with growing importance in the complexities of the Indo-Pacific, African and Arabian Peninsula region. There are major challenges to development, in addition to which ever-present political and ethnic antagonism often leads to conflict.

Russia is highly active in Africa through reliance on Wagner Group mercenaries, especially in the Central African Republic and Mali. The anti-French campaign is freely relayed by some local leaders little moved by Wagner’s abuses and pillage of local resources, such as gold.

Fifty Years Ago

Opinions and Viewpoints

Defining the height of intensity of a given combat is far from easy. It involves what the combatant feels, but also takes factual data into account. When combined with factors of variability the latter lead to quantification of the concept of intensity. In view of current developments, this mathematical approach is now necessary.

The UN has been conducting peacekeeping operations in complex environments for 75 years. If the results have not always matched up to initial hopes, the operations remain necessary and allow the establishment of constructive dialogue between the parties in a conflict.

France has not remained in the background vis-à-vis the war in Ukraine, and even though its support for Kyiv is solid and convincing, its position has not always been well understood by our partners. This lack of understanding stems from the strategic exception long defended by Paris.

1943: French Rearmament

The Anglo-American landings in North Africa on 8 November 1942 were a major tipping point for France. Vichy lost what little it had of its limited sovereignty and Giraud and de Gaulle ended in confrontation in 1943—the first limiting himself to a military approach, the second having a geopolitical vision of the war.

From 1943, reconstruction of French forces was a military and political challenge. The support of the Allies was essential, and there was strict subordination. General de Gaulle was able to force his hand on three occasions, including that of the liberation of Paris, but understood the limitations imposed upon French sovereignty.

The scuttling of the fleet in Toulon in 1942 added further pain to the traumas of Mers el-Kébir and Dakar. The remaining warships were either damaged or outdated. With help from American and British allies the Navy was back in the order of battle in time to take part in operations towards the end of the war.

The Air Force had the benefit of American aid for its reconstruction, and at the same time its doctrine was changed under the direction of General Bouscat by separating it from the authority of the Army and General Giraud, and their obsolete ideas over the use of the air arm. This rearmament led to a period of modernisation which was achieved after 1945.

The Navy had been heavily put to the test and its recommissioning from 1943 was far from straightforward even though the sailors were then able to take up the fight alongside the Free French Naval Forces, which had been engaged since the end of June 1940. Naval transfers from the Allies were essential for rebuilding the French Navy after the scuttling in Toulon.

Chronicle

Although the 1990s and 2000s were decades of growth in general for Central America, various crises have slowed the momentum of regional integration. Nayib Bukele, the President of El Salvador who will take up the presidency of SICA (the Central American Integration System) in June, hopes to give it a second wind.

Books Review

Pahimi Padacké Albert : L’Afrique empoisonnée : pathologie et thérapie des conflits  ; L’Harmattan, 2023, 246 pages - Eugène Berg

Bihan Benoist et Lopez Jean : Conduire la guerre. Entretiens sur l’art opératif  ; Éditions Perrin, 2023, 396 pages - Philippe Boulanger

Brun Jean-François : La Grande Armée, analyse d’une machine de guerre  ; Éditions Pierre de Taillac, 2023, 572 pages - Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Mai 2023 - n° 860

Afrique, France, une nouvelle relation…

Si depuis le 24 février 2022, une grande partie des opinions publiques, tout particulièrement en Europe, regarde avec attention et anxiété la guerre en Ukraine, il n’en demeure pas moins que l’échiquier mondial ne se limite pas aux grandes plaines de l’Est européen.

Il en est ainsi de l’Afrique ou plutôt des Afriques. Le continent bouge, se transforme, mute et remet en cause les fragiles équilibres issus des processus de décolonisation. Et de ce fait, la France se retrouve en première ligne avec le sentiment actuel d’un rejet, d’un « french bashing », voire d’une humiliation infligée à l’ancienne puissance coloniale. Effectivement, Paris a dû retirer ses forces du Mali et du Burkina Faso, et réorganiser son dispositif en le rendant plus discret et en modifiant ses modes d’action en privilégiant désormais l’appui à la formation des armées nationales. Parallèlement, de nouveaux acteurs développent une politique plus agressive avec des ambitions différentes, voire antagonistes. Ainsi, quand des manifestations « spontanées » exaltent l’amitié avec la Russie et son bras armé Wagner, on est en droit de s’interroger. Comme si le sacrifice de soldats français au Sahel n’avait servi à rien !

Alors faut-il baisser les bras et considérer que l’Afrique n’est plus notre affaire et se désengager au plus vite ? Bien au contraire, plus que jamais il faut agir mais différemment, tout en privilégiant la jeunesse qui constitue l’avenir du continent. Cela signifie faire autrement avec nos partenaires africains et européens. Cela exige aussi de savoir répondre aux stratégies de désinformation délibérément conduites par des puissances concurrentes. Une stratégie d’influence est plus que jamais nécessaire, en s’appuyant sur un atout formidable qu’est la francophonie.

Car il est impossible d’effacer l’histoire et d’oublier les liens forgés depuis des décennies avec le continent africain. Liens avec des pages douloureuses qu’il faut assumer, mais aussi des pages glorieuses qui ont construit notre destin.

Ainsi, nous célébrons le 80e anniversaire de la reconstruction des armées françaises. Défaite en 1940, et malgré l’héroïsme de la France combattante du général de Gaulle qui refusa la défaite, il fallut attendre 1943 pour que le gros des forces, principalement en Afrique, reprenne le combat aux côtés des Alliés, après le débarquement en Afrique du Nord en novembre 1942. Refonder l’armée fut une tâche complexe d’autant plus que les antagonismes étaient profonds entre Français eux-mêmes, et entre les Français et les Alliés. La rivalité de Gaulle-Giraud a été essentielle car si le second raisonnait en militaire, le premier avait compris depuis le 18 Juin que la question était d’abord politique. Et si le général de Gaulle dut accepter une forme de subordination de nos armées sous le commandement allié, il sut en tirer les leçons qu’il mit en œuvre à partir de 1958. En quelque sorte, notre ambition stratégique d’aujourd’hui prend racine dans cette reconstruction majeure engagée en 1943 avec ses succès militaires comme le démontrèrent le Corps expéditionnaire (CEF) de Juin en Italie ou la 1re Armée du général de Lattre après le débarquement de Provence. Une fois de plus, comprendre notre histoire permet de préparer l’avenir.

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Mai 2023 - n° 860

Afrique, France, une nouvelle relation…

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