La Grande Armée, analyse d’une machine de guerre
La Grande Armée, analyse d’une machine de guerre
L’auteur, enseignant-chercheur à l’Université de Saint-Étienne et spécialiste d’histoire militaire, propose ici une somme de 572 pages portant sur l’organisation, le commandement et le fonctionnement de la Grande Armée créée par Napoléon. Ce travail colossal – un peu ingrat parfois à la lecture – couvre toutes les composantes propres à cet outil militaire qui fut sans équivalent dans l’histoire militaire moderne et dont l’influence a perduré quasiment jusqu’à la Première Guerre mondiale, voire au-delà.
Bien qu’issue des armées de l’Ancien Régime et de la Révolution, la Grande Armée a bien été conçue et développée par Napoléon, dont les compétences militaires l’amenèrent à s’intéresser jusqu’au détail à tous les aspects de cette force : organisation, équipement, commandement, doctrine, fonctionnement, administration… Il en ressort que la Grande Armée a été particulièrement efficace, même si la fin de l’Empire est principalement l’échec d’une ambition politique démesurée au regard des capacités militaires disponibles à partir de 1812 et la funeste Campagne de Russie. Avec un élément supplémentaire qui fut le passage progressif d’une armée nationale issue de la Révolution à une armée multinationale, dont l’efficacité a alors progressivement diminué.
Paradoxalement, la Grande Armée ne verra pas la mise en œuvre de nouvelles technologies : le fusil est le modèle 1777, tandis que l’artillerie s’appuie sur le système Gribeauval mis en œuvre à partir de 1774 et qui unifie les parcs de canons. De même, l’utilisation de ballons d’observation comme à Fleurus en juin 1794 est abandonnée depuis 1802, malgré la pertinence de l’emploi.
Le rôle de la carte topographique va devenir essentiel pour la préparation et la conception de la manœuvre, bénéficiant des travaux de Cassini avec la triangulation géodésique et la mise en place du système métrique le 10 décembre 1799. Le Dépôt de la guerre joue ici un rôle central dans le travail de documentation et de diffusion.
Cependant, c’est bien dans l’articulation des unités avec la mise en œuvre du principe divisionnaire conçu par le Comte de Guibert (1743-1790) et le commandement avec le rôle central des sous-officiers, ayant succédé aux bas-officiers de l’Ancien régime et des officiers subalternes encadrant une troupe aguerrie que l’innovation va permettre aux soldats de l’Empereur de se couvrir de gloire sur les champs de bataille. On peut également citer la création de l’arme du Train des équipages en 1807 pour fiabiliser la chaîne logistique, jusqu’alors sous-traitée, ou encore l’amélioration des ambulances de campagne du Service de santé. À chaque fois, l’esprit méthodique voulu par Napoléon se traduit en une organisation et une rationalisation permettant d’être plus efficace sur le terrain.
La mobilité – notamment dans les déplacements – et l’agilité intellectuelle et organisationnelle de l’état-major entourant l’Empereur vont constituer les points forts d’un système complexe, très hiérarchisé et s’appuyant sur une administration performante. Il n’en demeure pas moins que les aléas de la guerre, notamment à partir de l’Espagne, puis de la Russie, vont mettre à mal l’édifice ainsi conçu au point d’en arriver à sa défaite à Waterloo (18 juin 1815).
L’auteur n’oublie pas non plus de décrire le quotidien du soldat en campagne avec les longs déplacements, les bivouacs puis la bataille, avec son déroulement et ses suites, dont de nombreuses pertes avec les morts et les blessés qu’il faut évacuer. Pour le ravitaillement, l’idée majeure reste l’autonomie initiale de la troupe avec même la description détaillée par l’Intendance du contenu de la giberne, sans oublier la trousse à couture indispensable pour ravauder les tenues soumises à de dures conditions sur le terrain.
S’appuyant sur une connaissance exhaustive de la question, l’ouvrage permettra au
lecteur d’en savoir beaucoup plus sur la Grande Armée. Un seul regret, l’absence d’illustrations malgré la présence de nombreux tableaux d’effectif ou d’organisation, ainsi que des organigrammes détaillés. Un travail toutefois essentiel, et de référence. ♦