Le 21 février 2023, dans un discours à la nation russe, le président russe Vladimir Poutine a annoncé la suspension de l’application du traité New START ⁽¹⁾ tout en précisant que la Russie continuerait de respecter les plafonds fixés dans ce cadre. En revanche, Moscou refuse désormais de se plier aux exigences du régime de vérification sans lequel le traité perd une grande partie de son intérêt. De surcroît, si cette décision de suspension n’est pas aussi préoccupante que le serait un retrait du traité, elle ne semble pas de bon augure eu égard à la nécessité de négocier un successeur à ce traité d’ici son expiration en 2026. Sans cela, pour la première fois depuis 1972, les deux plus grands arsenaux nucléaires au monde ne se trouveraient plus alors encadrés par aucun traité de maîtrise des armements.

En parallèle, les instruments multilatéraux qui marquent les contours d’un ordre nucléaire ⁽²⁾ semblent fragilisés, de telle sorte qu’une érosion des normes existantes est à craindre. Dans ce contexte et plus généralement dans celui d’un retour de la compétition, la perspective d’un monde sans norme nucléaire n’est pas inimaginable. Partant de l’hypothèse qu’une telle évolution n’est pas souhaitable, le présent article entend plaider pour la préservation et le renforcement des fondements de l’ordre nucléaire ainsi que pour la poursuite de la réflexion sur une adaptation de l’arms control.

Dans le but de permettre au non-spécialiste de s’approprier le sujet, une première partie reviendra sur la construction de l’ordre nucléaire dans sa dimension multilatérale. Une seconde partie sera consacrée à l’érosion de cette architecture juridique ainsi que plus généralement à ce qui apparaît comme une crise de l’arms control.