L’ordre international s’est construit progressivement avec des traités, des conventions et des organisations confortant la notion d’États souverains. Certes, ces normes souvent complexes ont permis des arbitrages mais elles semblent remises en cause par certaines puissances imposant le rapport de force.
De l’érosion à la contestation des normes
From Erosion to Challenging Standards
The international order has been progressively constructed through treaties, conventions and organisations which support the principle of the sovereign nation. Though often somewhat complex, these standards have permitted discussion and rendered solutions possible, but they are being called into question by a number of powers which seek to impose their will upon others.
La Vision stratégique du Chef d’état-major des armées (1), publiée en octobre 2021, propose une nouvelle grille de lecture du monde se substituant au continuum « paix–crise–guerre » : le triptyque « compétition–contestation–affrontement ». Si l’affrontement se comprend aisément comme le passage à l’acte, il est en revanche plus délicat de discerner, parmi les signaux forts émis dans le « brouillard de la paix » au stade de la compétition, les narratifs employés et les démarches entreprises qui sont autant de signes annonciateurs de la contestation. En effet, puisque la compétition est le régime normal du monde, dans lequel les puissances se mesurent pacifiquement entre elles sur des enjeux généralement économiques ou de prestige, il y a, comme pour toute compétition sportive, des règles à respecter. Celles-ci peuvent être discutées, voire renégociées, dans le cadre d’un arbitrage universellement reconnu, mais si elles sont sciemment enfreintes, un cap est alors franchi pour passer au stade de la contestation.
Règles et arbitrage
Ce qu’il est convenu d’appeler l’ordre international est régi par un ensemble très complet, mais aussi remarquablement complexe, de normes de droit élaborées au fil des générations. La tradition attribue la lointaine paternité du système international aux Traités de Westphalie de 1648 qui consacrent la souveraineté et l’intégrité territoriale des États comme principes suprêmes du droit international. Depuis la fin de la guerre de Trente Ans, bien d’autres conflits ont déchiré l’Europe et le monde, modifiant les frontières, et de nouveaux acteurs sont apparus sur la scène mondiale à la faveur de la dislocation des empires.
L’incapacité de l’éphémère Société des Nations (SDN) et l’inégale efficacité des traités ayant mis fin à la Grande Guerre avaient démontré l’impérieuse nécessité de mettre en place un système d’arbitrage. Ce fut fait à San Francisco le 26 juin 1945 avec la signature de la Charte des Nations unies (2) qui codifie les grands principes des relations internationales, depuis l’égalité souveraine des États jusqu’à l’interdiction d’employer la force dans ces relations, rendant ainsi la guerre hors la loi. Ainsi, l’emploi de la force n’est-il autorisé que dans deux hypothèses : la légitime défense et l’action collective menée par le Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte. De plus, le statut de la Cour internationale de Justice (3) fait partie intégrante de la Charte, qui constitue le socle du système.
Il reste 83 % de l'article à lire
Plan de l'article