Les drones ont acquis une maturité technologique suffisamment importante pour être largement employés sur tous les théâtres d’opérations et les conflits actuels. Bénéficiant d’une porosité civilo-militaire sur les usages, les technologies non habitées accroissent l’hybridité de ces systèmes au risque de participer en permanence à la compétition des puissances.
Au cœur des combats et de la compétition de puissances : l’ère des technologies inhabitées
The Era of Unmanned Technology—Pivotal to Combat and Competition Between Powers
Drones have acquired sufficient technological maturity to be deployed widely in all current operational theatres and conflicts. Unmanned technologies benefit from dual civil and military use and are leading to the development of systems of an increasingly hybrid nature which, in turn, risk being permanently employed in power struggles between states.
« Il est hélas devenu évident aujourd’hui que notre technologie a dépassé notre humanité. »
Albert Einstein
La fin du XXe siècle a révélé l’intérêt opérationnel d’utiliser des drones ; toutefois, leur production industrielle balbutiante et leur maîtrise ont nécessité plusieurs décennies d’efforts. En comparaison, le XXIe siècle marque un saut considérable dans une temporalité très courte, moins de vingt ans, qui s’explique par la célérité de développements venant du civil, de leur caractère dual, de la multiplication de nouveaux acteurs (producteurs et utilisateurs finaux) et de facto de la généralisation de leur usage. Au gré des évolutions technologiques et des guerres l’utilisation des drones change.
De manière non exhaustive, à l’instar des premières utilisations opérationnelles des drones durant la guerre du Vietnam (1er novembre 1955-30 avril 1975), à savoir la localisation de rampes de lancement de missiles sol-air soviétiques SAM-2 et d’opérations psychologiques avec le largage de tracts par l’US Air Force, aux premiers engagements interalliés et interarmées dans les Balkans (6 mars 1998-10 juin 1999), à la lutte contre le terrorisme et les « frappes chirurgicales » effectuées par la CIA et l’USAF en Afghanistan (7 octobre 2001-30 août 2021) sans oublier les régions tribales et rurales (Pakistan, Yémen, et Somalie), les attaques d’installations pétrolières saoudiennes perpétrées par des rebelles houthis via des appareils inhabités de facture iranienne (2019), jusqu’à l’utilisation massive que l’on connaît actuellement en Ukraine (depuis le 24 février 2022). Leur nombre et la manière de les utiliser ont connu de profonds changements qui n’impliquent pas forcément de se pencher uniquement sur les capacités opérationnelles. Très peu utilisés et ayant un rôle de second plan, puis considérés comme complémentaires, les guerres contemporaines semblent leur donner une centralité et une matérialité inédite. Leur nombre connaît une progression exponentielle, influe inévitablement sur la manière de les utiliser et élargit le champ de leurs applications, mais peuvent-ils pour autant renverser l’équilibre des forces ?
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