Les grands fonds marins – encore largement inexplorés – possèdent des ressources immenses susceptibles d’attirer la convoitise d’États ou d’opérateurs économiques. Ils pourraient donc devenir de nouveaux espaces de conflictualité malgré l’essor du droit de la mer piloté par l’ONU.
Les grands fonds marins : nouveaux espaces de conflictualités
The Deep Ocean: a New Area of Conflict
The greatest ocean depths are still largely unexplored and contain immense resources likely to attract the interest of state and commercial operations. They could well become new areas of conflict despite the broadening of the Convention on the law of the sea piloted by the UN.
La nouvelle Loi de programmation militaire (LPM) en cours de négociation pour la période 2024-2030 identifie trois nouveaux espaces de conflictualités : le domaine spatial, le cyberespace et les fonds marins (1). Cet intérêt pour les fonds marins n’est pas récent. Il est d’ailleurs quasiment à l’origine de la mise en place d’un droit de la mer dans les années 1970. Plus tard, lorsqu’en août 2007, les Russes plantaient un drapeau sous les glaces du Pôle Nord à 4 200 m de profondeur, ce n’était également sans doute pas tant la course à l’Arctique qui s’engageait que celles aux grands fonds marins et à leurs ressources supposées. Cependant, depuis quelques années, la tension croissante autour de l’appropriation des ressources marines a généré une accélération de la prise en compte des grands fonds marins par les pouvoirs publics.
Ainsi, entre 2021 et 2022, pas moins de quatre documents majeurs sur le sujet ont été publiés en France : un rapport du Sénat (2), une stratégie de défense du ministère des Armées (3), une stratégie nationale consacrée aux grands fonds marins (4) et un plan d’investissement (5). En parallèle, sur la scène internationale, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM ou ISA) (6) héberge des négociations sur l’établissement d’un code minier, prévu à l’été 2023, qui établira les règles futures d’exploration et d’exploitation des grands fonds marins.
La définition des « grands fonds marins » ne fait pas l’objet d’un consensus. Pour les scientifiques, la zone des grands fonds marins commence en deçà de 1 000 m de profondeur. Elle comprend à la fois les espaces fluides situés entre cette limite des 1 000 m d’une part et le plancher océanique, donc le sol, et le sous-sol d’autre part. Au total, ces espaces représentent 88 % du plancher océanique dont la superficie est estimée à 320 millions de km², soit 30 fois les espaces maritimes français. En droit, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (7) (CNUDM), qui fait référence pour délimiter les espaces maritimes, entretient des imprécisions : les grands fonds marins renvoient majoritairement au sol et au sous-sol mais incluent également parfois la colonne d’eau située en deçà de 1 000 m de profondeur. Parallèlement, les stratégies politiques de référence privilégient l’approche par le sol et le sous-sol marins, tout en entretenant un lien fort avec les ressources présentes dans la colonne d’eau. En raison des enjeux sécuritaires liés aux grands fonds marins, et principalement celui de l’appropriation des ressources minières de ces espaces et les risques de perturbations des câbles et « tubes » (8) sur le plancher océanique, nous retiendrons la définition suivante des grands fonds marins : la zone composée du sol (plancher océanique) et du sous-sol des océans située en deçà de 1 000 m de profondeur.
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