La Russie de Vladimir Poutine veut se présenter comme la « forteresse assiégée » par un « Occident collectif » hostile et voulant éliminer la civilisation russe. Cette vision du monde sert de justification idéologique à la guerre déclenchée contre l’Ukraine le 24 février 2022, au mépris complet du droit international.
La Russie, « forteresse assiégée » par l’« Occident collectif »
Vision du monde et justifications russes de la guerre en Ukraine
Fortress Russia Besieged by the Collective West
Russian Vision of the World and Justifications for the War in Ukraine
Vladimir Putin’s Russia is seeking to present itself as a fortress besieged by a hostile Collective West that wishes to wipe out Russian civilisation. This vision of the world is being used as ideological justification for the war being waged against Ukraine since 24 February 2022 in complete contravention of international law.
Au mitan des années 2000, le surgissement des révolutions de couleur dans l’espace post-soviétique – révolution des Roses en Géorgie (2003), révolution orange en Ukraine (2004), révolution des Tulipes au Kirghizistan et révolution en jeans en Biélorussie (2005) – a donné lieu, en Russie, à une lecture complotiste et agonistique de sa relation avec l’Occident. Les puissances occidentales sont, en effet, accusées d’être à la manœuvre et d’orchestrer ces mobilisations populaires via un réseau d’acteurs composés d’ONG, de médias, et de structures internationales d’observation électorale (telle que le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme [ODIHR] de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OSCE]). Ainsi, dans un texte paru en 2005 dans la revue de politique étrangère russe Rossiia v Global’noï Politike, l’analyste politique Vladimir Frolov assure que dans les pays de la Communauté des États indépendants (CEI), « la question de la légitimité des élections et de leur conformité aux standards électoraux internationaux devient un prétexte pour délégitimer les autorités nationales à l’aide de forces extérieures et d’une coordination des efforts de l’opposition, elle devient un instrument politico-juridique pour assurer un “changement de régime” » (1).
La matrice idéologique de l’agression russe de l’Ukraine
C’est dans ce contexte qu’est né le concept de « démocratie souveraine », sous la plume de Vladislav Sourkov, alors chef adjoint de l’administration présidentielle. En septembre 2006, le parti du pouvoir, Russie unie, y faisait référence dans les termes suivants : « stratégie de renouvellement qualitatif du pays dans une optique de démocratie souveraine ». Ainsi, la souveraineté mise en avant renvoie à la capacité pour la Russie à bâtir un modèle politique indépendant, concurrentiel du modèle de la démocratie libérale occidentale, et à se donner les moyens de le défendre.
À partir de fin novembre 2013 et la décision, inattendue après plusieurs années de négociation, du gouvernement ukrainien de ne pas signer l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne au profit d’un accord avec la Russie, des manifestations pro-européennes rassemblent de plus en plus d’Ukrainiens sur la place de l’indépendance (Maïdan), à Kiev. La répression du mouvement par le pouvoir ne fait que croître la mobilisation dont l’ampleur contraint finalement le président Viktor Ianoukovitch à fuir la capitale le 21 février 2014, valant au mouvement le nom d’« Eurorévolution » ou de « Révolution de février ».
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