China’s Rise in the Global South. The Middle East, Africa and Beijing’s Alternative World Order
China’s Rise in the Global South. The Middle East, Africa and Beijing’s Alternative World Order
À une époque de dynamiques de plus en plus concurrentielles entre grandes puissances, le monde serait entré dans une potentielle transition des pouvoirs entre les États-Unis et la Chine. Il devient ainsi essentiel de comprendre le comportement de la Chine sur la scène internationale et les spécificités de sa politique étrangère.
Des spécialistes des Relations internationales (RI) comme Robert Gilpin ou John Mearsheimer estiment que la montée en puissance chinoise est l’annonce d’une rivalité croissante entre la Chine et les États-Unis. Les réalistes considèrent que toute grande puissance cherche à devenir hegemon et qu’ainsi, plus l’essor de la Chine se poursuivra, plus elle viendra concurrencer les États-Unis et les pays occidentaux, et cherchera à renverser l’ordre international. Au contraire, le libéralisme, avec des penseurs comme John Ikenberry, souligne l’attitude coopérative de la Chine et son intégration à l’ordre international. Là est tout l’enjeu que China’s Rise in the Global South tente de démontrer : la Chine n’est pas une puissance révisionniste cherchant à renverser l’ordre international dominé par les États-Unis. Certes compétitivité dans certains domaines de sa politique étrangère, ses pratiques ne divergent pas systématiquement des normes instaurées par l’ordre international occidentalo-centré.
Professeure au National War College des États-Unis, Dawn C. Murphy cherche ainsi dans son ouvrage à contribuer, et surtout à nuancer, la réflexion théorique sur la montée en puissance de la Chine, parfois biaisée par une vision trop dichotomique des RI à propos des rapports de la politique étrangère chinoise avec le système international. L’auteure mène pour cela une analyse empirique des applications de l’essor de la Chine au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne. Elle s’appuie dans ses recherches sur des sources primaires, en majorité des documents officiels du gouvernement chinois tels que Livres blancs sur la défense ou des discours d’hommes politiques. L’auteure rapporte avoir mené plus de deux cents entretiens qui découlent d’un travail de terrain conséquent « en Chine, au Moyen-Orient, en Afrique du Sud, en Europe et aux États-Unis ». L’approche de l’ouvrage, quoiqu’un peu répétitive dans son exécution, permet ainsi une étude comparative du comportement chinois dans deux régions distinctes. Elle met aussi en exergue le rapport de compétition, ou de coopération, envers les États-Unis sur des territoires où leurs intérêts ne sont ni les mêmes, ni au même degré de vitalité.
China’s Rise in the Global South cherche à répondre à la question principale suivante : « La Chine construit-elle un ordre mondial alternatif ? Si oui, quelles sont les caractéristiques de ce nouvel ordre ? ». Pour cela, l’auteure distingue dans un premier temps les intérêts primordiaux de la Chine contemporaine, à savoir « promouvoir sa croissance économique, favoriser le soutien sur la scène internationale, assurer sa stabilité intérieure, défendre la cause des pays en développement, protéger ses citoyens et entreprises à l’étranger ainsi que son intégrité et sa souveraineté territoriale des États-Unis ». Intérêts que l’auteure déclinera et analysera en contexte à chaque chapitre.
Le chapitre IV présente les cinq principes qui régissent la politique étrangère chinoise : = respect mutuel du territoire et de la souveraineté, non-agression mutuelle, non-ingérence mutuelle dans les affaires internes, égalité et bénéfices mutuels, et coexistence pacifique. Ces principes ont été énoncés pour la première fois en 1955 et sont la pierre angulaire du comportement de la Chine en matière de politique étrangère depuis des décennies. Divergents des normes libérales de l’ordre international, ces principes sont en fait une interprétation très conservatrice des normes westphaliennes de souveraineté, d’intégrité territoriale et de non-ingérence, très critique de l’interventionnisme américain.
C’est par ce prisme que la Chine cherche à construire un ordre international alternatif dans des domaines fonctionnels de la politique ou de l’économie. Cet ordre alternatif est tantôt conforme à l’ordre libéral du système international, tantôt il en défie les règles internationales. L’ouvrage puise sa singularité aux chapitres IV à IX dans l’étude empirique d’une grande diversité d’instruments de politique étrangère dans des domaines fonctionnels économiques ou politiques. Forums de coopération, envoyés spéciaux, accords de libre-échange, aides étrangères, zones économiques spéciales, opérations de maintien de la paix, votes au Conseil de sécurité de l’ONU, ces outils permettent de tirer des conclusions sur le comportement chinois dans les sphères d’influence que bâtit la Chine par leur biais.
Enfin, pour chacun des instruments étudiés au fil des chapitres, Dawn C. Murphy s’efforce de répondre à deux questions éminemment centrales de son ouvrage : « Comment et pourquoi ce comportement coopère-t-il ou rivalise-t-il avec les États-Unis dans ces régions ? Comment et pourquoi converge-t-il avec ou diverge-t-il des normes internationales libérales ? ».
En 400 pages, l’auteure nous fournit ainsi une analyse du comportement chinois au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne qui tend légèrement à rester en surface, possiblement à cause d’une trop vaste pluralité des thématiques abordées. L’analyse peut cependant être un moment assez binaire : coopération/compétition ou normes convergentes/divergentes, et l’ouvrage enclin à occulter le rôle d’autres grandes puissances dans ces régions, certes mentionnées mais souvent limitées au « reste des pays occidentaux ». ♦