Le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont désormais gouvernés par des juntes militaires remettant en cause les relations notamment avec la France. Le repli sur soi de ces trois États ne se traduit pas par des succès sécuritaires. Bien au contraire, la situation s’est dégradée et ce n’est pas l’Alliance des États du Sahel conclue entre les putschistes qui résoudra la crise actuelle.
De l’initiative des pays du Champ à l’Alliance des États du Sahel :
le Sahel peut-il bâtir sa sécurité en marge de la coopération internationale ?
From the Initiative of the Champ Countries to the Alliance of Sahel States:
Can the Sahel Build its Own Security on the Margins of International Cooperation?
Mali, Burkina Faso and Niger are now governed by military juntas which are questioning their relationships—with France in particular. The inward turn of these three countries has not improved their security. Far from it: the situation has deteriorated, and the Alliance of Sahel States, created between the rebels, is not going to resolve the current crisis.
Dès 2012, la lutte contre l’insécurité au Sahel fut portée par la France qui joua le rôle de « nation-cadre », notamment dans la coordination entre les acteurs locaux et internationaux. Cette orchestration connaît un changement notoire après les coups d’État au Mali en 2021, au Burkina Faso et au Niger en 2023, les nouveaux pouvoirs en place exigeant le retrait français : retrait de Barkhane du Mali en 2022, de Sabre du Burkina Faso en février 2023 et du Niger en septembre 2023. Environ 1 400 soldats français déployés dans le pays pour combattre les djihadistes aux côtés des Nigériens, dont un millier à Niamey et 400 dans la zone des « trois frontières », à l’ouest du pays, entre le Mali et le Burkina Faso, quittent le pays. Cette coopération a été freinée par une succession d’évènements et de décisions dont la dénonciation par les juntes des accords de défense avec Paris.
En signant en septembre 2023 la Charte de l’Alliance des États du Sahel (AES) ou Charte du Liptako-Gourma, en référence à la région du Liptako-Gourma à cheval entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger (épicentre des activités djihadistes dans le Sahel), les trois pays s’engagent à établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle, et à lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée. Cependant, la création de l’AES intervient à un moment où la coopération régionale et internationale au Sahel manque de vitalité. Maintes initiatives qui avaient suscité des espoirs ploient sous la léthargie ou négocient leur survie. La recrudescence de l’insécurité montre qu’en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la volonté d’être autonome ne suffit pas. Il faudrait également rendre viable les États et créer des mesures de confiance entre eux. L’illusion des partenariats à l’échelle régionale et l’attentisme des cadres stratégiques d’intervention ralentissent des efforts de mobilisation. Ce faisant face à la crise malienne (2012), l’inaction des partenariats de niveau local a entraîné l’intervention directe d’une puissance militaire – la France.
Cette analyse saisit des initiatives locales de sécurité à l’échelle du Sahel, dont le Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cémoc) impulsé par l’Algérie en 2010 et l’AES. Il s’agit d’autant de vecteurs à des interventions extérieures. Avec l’opération française Barkhane, l’article appréhende les tribulations de l’action militaire au Sahel. Malgré la volonté des États locaux d’une autonomisation des moyens et d’action, l’effort de paix au Sahel ne peut efficacement, à ce jour, s’exclure des gains de la coopération internationale.
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