Politique et diplomatie - La crise des îles Falkland (Malouines)
Pour le politologue, la crise des îles Falkland — ou Malouines — est intéressante à plus d’un titre. Conflit ambigu, qui s’apparente aux crises de décolonisation, il oppose deux nations blanches, appartenant à la même civilisation occidentale. Il nous renvoie ainsi aux conflits « classiques » dans lesquels les États européens se disputaient un territoire. Il donne l’occasion aux peuples de culture hispanique et latine du Nouveau Monde de se retrouver en quelque sorte solidaires contre ce qu’ils considèrent comme la persistance d’une présence coloniale britannique dans leur domaine. Le Conseil de sécurité qui, réuni le 3 avril à la demande de Londres, a condamné l’agression argentine et lui a enjoint de retirer ses troupes de l’archipel, a pris cette décision par dix voix contre une, celle du Panama, l’Espagne s’abstenant avec l’Union Soviétique, la Pologne et la Chine.
Significatif, ce conflit l’est aussi par l’extrême embarras dans lequel il place l’administration américaine. Il s’avère en effet plus difficile à contrôler que le conflit israélo-arabe, dans la mesure où ce dernier se développe sur la longue durée, alors que la crise des Falkland s’est engagée dans des conditions telles qu’elle ne peut qu’évoluer très rapidement. Qu’elle soit diplomatique ou militaire, c’est dans le très court délai qu’une solution doit être trouvée. En outre, les États-Unis sont liés à chacun des deux adversaires par des engagements plus contraignants que ce n’est le cas au Proche-Orient. La Grande-Bretagne estime que l’Alliance atlantique, bien qu’elle ne garantisse la sécurité de ses membres que dans l’Atlantique Nord, oblige moralement les États-Unis à s’acquitter au bénéfice de leur alliée des obligations que la Charte des Nations Unies impose en cas d’agression ; mais d’autre part, la récupération par les Argentins des îles Malouines s’étant effectuée presque sans coup férir après des décennies de vains efforts diplomatiques, le gouvernement de Buenos Aires invoque le traité interaméricain d’assistance réciproque signé à Rio en 1947, qui fait obligation aux pays membres de venir en aide à celui d’entre eux qui serait attaqué par une puissance non-américaine. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, alors que s’accentuait la tension entre les États-Unis et l’Union Soviétique, on voulait resserrer autour de Washington la solidarité du continent américain. On n’avait pas prévu que « l’adversaire » pourrait être la Grande-Bretagne.
Rappelons les faits. Le 2 avril, le gouvernement argentin fait occuper par ses forces les îles Falkland, ou Malouines, situées dans l’Atlantique Sud à 640 kilomètres de la côte orientale du sous-continent. Il fait également occuper l’îlot de Géorgie du Sud situé à 1 300 kilomètres à l’Est. Ces îles sont, depuis un siècle et demi, sous souveraineté britannique, mais les gouvernements successifs de la République Argentine les ont toujours revendiquées, ayant hérité de l’Espagne les droits sur ces territoires. Le 3 avril, le parlement britannique, convoqué en session extraordinaire, dénonce cette agression et le gouvernement de Mme Thatcher annonce qu’il rassemble une flotte de trente-quatre navires, dont deux porte-avions, qui aura pour mission de rétablir dans l’archipel la souveraineté britannique. Le Conseil de sécurité de l’ONU demande ce même jour le retrait des forces argentines. Le 5 avril, l’Organisation des États Américains se réunit à Washington, à la demande de l’Argentine.
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