La construction des indépendances des États d’Europe centrale a été complexe à l’issue de la Grande Guerre avec l’effondrement des empires russe, allemand et austro-hongrois. Des chefs militaires, Horthy, Piłsudski et Skoropadsky, devinrent des dirigeants politiques affirmant la souveraineté de leurs jeunes États. Leur héritage – parfois controversé – reste vivant dans la mémoire collective de l’Europe de l’Est.
Horthy, Pilsudski et Skoropadsky : trois militaires chefs d’État, figures de l’indépendance de leurs pays
Horthy, Piłsudski and Skoropadskyi: Three Military Heads of State, Icons of their Countries’ Independence
Creating independent Central European countries after the Great War was a complex matter in a context of the collapse of the Russian, German and Austro-Hungarian empires. Horthy, Piłsudski and Skoropadskyi, all former military leaders, became political leaders who claimed sovereignty for their young countries. Their sometimes controversial heritage remains alive in the collective Eastern European memory.
La Première Guerre mondiale et la chute des empires ont recomposé la carte européenne sur laquelle une série d’États indépendants s’est formée et, à la tête de certains, des militaires appelés à diriger leurs pays et à affronter des défis politiques et diplomatiques dans un continent bouleversé. Dans l’historiographie occidentale, cette période fut longtemps perçue comme dominée par le chaos politique et militaire en Europe centrale. Les historiographies nationales la présentent plutôt comme marquée par des mouvements pour libération, suivis des formations étatiques portées par le « projet national » propre à chaque pays. Les avènements révolutionnaires qui ont suivi la Grande Guerre ont profondément modifié le paysage politique, complexe et multidimensionnel, de l’Europe centrale et orientale.
Historien militaire et excellent slaviste, Mark von Hagen soutient que chacun des empires ottoman, russe et austro-hongrois s’est désintégré en de nombreuses et nouvelles entités étatiques, créées avant tout selon le principe national (1) et dont l’intégration dans le modèle d’État indépendant reste centrale. Tous les mouvements post-impériaux expansionnistes, tel que le bolchevisme, se heurtaient au principe national des jeunes États. Cependant, les projets polonais et hongrois, chacun a sa manière, maintenaient une ambition révisionniste. Quant à l’Ukraine, elle se trouvait au centre de l’affrontement soviétique et du projet national. La région basculait vers le système autoritaire et la dictature.
Dans cette période charnière, trois dirigeants ont marqué l’histoire de cette partie de l’Europe : l’amiral Miklos Horthy de Nagybánya, le général Jozef Pilsudski et le général Pavlo Skoropadsky. Nés sous l’empire, russe ou austro-hongrois, aristocrates au service de leurs patries, les trois militaires ont relevé le défi de la formation des nations politiques, des guerres d’indépendance ou des révolutions. Leurs parcours sont controversés par des questions de révisionnisme (2), d’antisémitisme ou de relations avec l’Allemagne, sans oublier la montée du fascisme dans l’entre-deux-guerres et l’expansion du bolchevisme en Europe. Les trois ont œuvré dans le domaine diplomatique en établissant des relations avec des pays avoisinants ou les grandes puissances à l’issue des Traités de Versailles ou de Trianon, propices pour les uns, contestés par les autres. Pour la Hongrie et l’Ukraine, les mouvements monarchistes et conservateurs se trouvèrent au cœur de la politique de Horthy et de Skoropadsky. Pour la Pologne, c’est un projet de gauche qu’embrasse la politique de Pilsudski. De nos jours, dans la mémoire collective de leur pays, ils appartiennent aux panthéons nationaux des héros et continuent à faire partie du narratif national, parfois revenchiste ou encore nostalgique. Somme toute, les trois dirigeants qui nous intéressent, formés dans un précédent contexte géopolitique, ont intégré le nouveau avec chacun un projet national. Diabolisés par les régimes communistes, ces trois dirigeants-militaires de l’Europe centrale et orientale ont retrouvé leur place dans l’historiographie récente.
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