Février 2024 - n° 867

24 février 2022, deux ans après...

« Les amateurs étudient la tactique, ils parlent de stratégie, les professionnels parlent de logistique. »

Général Omar Bradley
136 pages

Deux ans déjà que l’Europe se levait, hagarde, au petit matin du 24 février 2022 devant les images de l’invasion brutale lancée par la Russie contre l’Ukraine. L’« opération militaire spéciale » de Vladimir Poutine devait dénazifier, démilitariser et neutraliser un État qui n’existait pas à ses yeux. Rares étaient ceux qui pensaient que les Ukrainiens allaient résister et mettre en échec une armée plus nombreuse qui se présentait comme l’héritière de l’Armée rouge, celle qui avait battu l’Allemagne nazie – en passant sous silence les transferts massifs d’armements alliés. Lire la suite

  p. 1-1

Préambule

Le détroit de Bal-el-Mandeb est la porte d’entrée de la mer Rouge et est devenu une zone de tension majeure depuis que les rebelles houthis, en appui du Hamas, auteur des attaques terroristes du 7 octobre 2023, harcèlent le trafic maritime, obligeant à trouver une réponse à ces agressions. Le contexte est sensible d’autant plus que l’Iran soutient les Houthis. Lire les premières lignes

  p. 7-14

La liberté de navigation est un principe majeur du droit de la mer. Or, celle-ci semble être remise en cause en mer Rouge après les attaques récentes menées par les rebelles Houthis suite au 7 octobre 2023. Cette nouvelle phase d’incertitude pour le trafic maritime est en contradiction avec les besoins du commerce international et pourrait avoir des conséquences stratégiques graves. Lire les premières lignes

  p. 15-21

24 février 2022, deux ans après…

La guerre absurde conduite par la Russie contre l’Ukraine nous concerne directement. Moscou déteste notre système démocratique libéral et veut nous affaiblir. Soutenir l’Ukraine est donc essentiel et doit s’inscrire dans la durée, avec une industrie de défense passant en économie de guerre. Nous devons également renforcer notre rôle au sein de l’Otan pour répondre aux menaces. Lire les premières lignes

  p. 25-29

La guerre imposée par la Russie à l’Ukraine est une violation permanente du droit international. Or, l’effort fourni par les alliés à Kyiv reste insuffisant pour lui permettre de renverser le rapport de force. Le risque est donc de laisser Moscou imposer sa stratégie du fait accompli et d’être complaisant envers un régime totalitaire. Lire les premières lignes

  p. 30-35

Si l’Ukraine avait déjà tiré des leçons du fiasco de 2014, la Russie a été confrontée à des difficultés en septembre 2022 avec une mobilisation partielle mal conduite. La question reste posée après deux ans de guerre avec des pratiques et des questionnements très différents entre les deux pays, entre gestion démocratique pour Kiev et gestion autoritaire pour Moscou. Lire les premières lignes

  p. 36-42

Les attaques spectaculaires, notamment à Sébastopol, démontrent une stratégie navale ukrainienne audacieuse malgré l’absence de moyens lourds. Des modes d’actions agiles et déjà éprouvés, s’appuyant sur des innovations technologiques permettent d’infliger des pertes humiliantes à la marine russe. La difficulté sera de maintenir l’effort dans la durée. Lire les premières lignes

  p. 43-47

Malgré la guerre, l’Ukraine a pu maintenir une grande partie de sa production agricole. Sous la pression du conflit, ce géant céréalier a dû réorganiser sa logistique pour exporter, tant par la voie maritime que par la voie terrestre, avec l’appui de l’Union européenne. Quoiqu’il arrive, le secteur restera un acteur de rang mondial. Lire les premières lignes

  p. 48-53

La guerre numérique est une réalité devenue quotidienne, que le conflit imposé par la Russie à l’Ukraine a accrue. Pour Moscou, il n’y a aucune restriction à chercher à déstabiliser nos sociétés via une stratégie de désinformation, veillant à étendre son influence. Les cyberattaques contre tout type de cibles en sont un mode d’action très efficace. À la ligne de front terrestre s’ajoute une ligne de front cybernétique. Lire les premières lignes

  p. 54-59

Depuis février 2022, l’Europe du Nord et en particulier la mer Baltique, sont devenues des cibles potentielles pour la Russie, qui ne se prive pas de menacer cette zone stratégique. La Suède et la Finlande, jusqu’à présent neutres, ont entamé le processus d’adhésion à l’Otan pour mieux assurer leur sécurité face à Moscou. Lire les premières lignes

  p. 60-66

Le tandem franco-allemand est confronté à de nombreux défis dont la divergence de perception des enjeux stratégiques. La crise ouverte par la guerre en Ukraine a poussé Berlin à accroître son effort de défense sans forcément renforcer la coopération avec la France. Il serait pourtant nécessaire de faire davantage converger les approches afin d’affronter les nouvelles menaces. Lire les premières lignes

  p. 67-71

Le Royaume-Uni et la Pologne ont manifesté depuis longtemps leur soutien à l’Ukraine, au point de constituer un partenariat bilatéral ambitieux. Cependant, pour Varsovie, l’intérêt stratégique est principalement la menace russe, tandis que Londres a une vision beaucoup plus large, partagée avec Washington et regardant notamment vers la Chine. Lire les premières lignes

  p. 72-76

Pékin ne cesse de rappeler que Taïwan fait partie intégrante de la Chine et le manifeste bruyamment en alternant démonstrations de forces et discours peu diplomatiques. Un assaut sur l’île semble moins probable à court terme au regard des répercussions mondiales. Mais un tel scénario n’est cependant pas à exclure au regard de l’hubris impérial chinois. Lire les premières lignes

  p. 77-83

La Suisse a tenté de redorer son blason en proposant, lors du forum de Davos en janvier, d’organiser une prochaine conférence de paix sur l’Ukraine. Difficile toutefois, malgré ses bons offices, de réapparaître comme un médiateur impartial dans le conflit en Ukraine après l’adoption des sanctions européennes contre la Russie. Et les coups de boutoirs portés à sa neutralité. Lire les premières lignes

  p. 84-88

Il y a 50 ans

Opinions

L’Eurocorps implanté à Strasbourg pourrait être un modèle et une structure permettant de développer de nouvelles synergies pour la sécurité et la défense de l’Europe. De par son organisation, il peut développer un potentiel pour l’innovation et l’interopérabilité bénéfiques à tous les pays partenaires, et ainsi répondre aux défis de demain. Lire les premières lignes

  p. 93-98

L’Indo-Pacifique pourrait être un espace de coopération militaire entre la France et l’Allemagne, envoyant ainsi un signal d’implication de l’Europe pour la stabilité d’une région majeure pour l’économie mondiale. La France est déjà présente avec ses territoires et serait en mesure d’accueillir des forces allemandes, avec l’intérêt de nombreux pays de la zone. Lire les premières lignes

  p. 99-103

Approches régionales

La république islamique d’Iran voue une haine féroce à l’égard d’Israël et active de nombreux acteurs pour contester à Israël son droit à exister. L’attaque du 7 octobre 2023 par le Hamas en est une illustration. L’accroissement de la relation entre Téhéran et Moscou complexifie encore le contexte, tandis que les États du Golfe recherchent avant tout une certaine stabilité indispensable à l’économie. Lire les premières lignes

  p. 104-111

Approches historiques

La construction des indépendances des États d’Europe centrale a été complexe à l’issue de la Grande Guerre avec l’effondrement des empires russe, allemand et austro-hongrois. Des chefs militaires, Horthy, Piłsudski et Skoropadsky, devinrent des dirigeants politiques affirmant la souveraineté de leurs jeunes États. Leur héritage – parfois controversé – reste vivant dans la mémoire collective de l’Europe de l’Est. Lire les premières lignes

  p. 112-116

Chroniques

Le maintien de l’ordre fut jusqu’au début du XXe une des missions de l’armée avec plus ou moins de succès. Après la Grande Guerre et notamment le 6 février 1934, le commandement fut très réticent face aux demandes des autorités politiques, maintien de l’ordre et opération militaire ne relevant pas des mêmes logiques. Lire les premières lignes

  p. 117-120

L’année 2024 sera marquée par plusieurs élections présidentielles déterminantes pour l’avenir du continent latino-américain. Déjà, l’arrivée à la tête de l’Argentine du nouveau président Javier Milei a marqué une rupture. Les enjeux régionaux et les relations avec le reste du monde seront de fait concernés par ces votes. Lire les premières lignes

  p. 121-125

La notion de force est centrale et oblige à s’interroger sur son rôle, notamment dans sa mise en œuvre par le soldat. La légitimité de son usage repose donc sur plusieurs principes dont la relation au bien et à la violence. Dès lors, le rôle de l’État est primordial pour définir l’emploi de la force et le justifier auprès de ses citoyens. Lire la suite

  p. 126-128

Recensions

Nonjon Adrien : Le régiment Azov, un nationalisme ukrainien en guerre  ; Éditions du Cerf, 2023, 272 pages - Eugène Berg

Nonjon_Azov_nationalisme_ukrainienOn a beaucoup parlé du régiment Azov qui, pendant près de trois mois, a résisté, au printemps 2022, dans les souterrains de l’usine Azovstal à Marioupol, avant d’être contraint à se rendre afin d’éviter un bain de sang inutile. Au nombre de 2 500 au début du siège, ses combattants ne seront plus que 900 qui acteront leur reddition aux côtés du millier de militaires survivants. À ce jour, les morts, principalement civils survenus à Marioupol, sont évalués entre 5 000 et 20 000. Adrien Nonjon, doctorant au centre de recherche Europe-Asie, qui observe depuis 2014, la question du rôle tenu par l’extrême droite radicale dans l’Ukraine ravagée par la guerre a cherché à en décrypter la véritable nature. Il n’est pas facile de réduire Azov à une simple épithète : « Nationalisme », « patriotisme », « bandérisme », « néonazisme » ? Au moins une vingtaine de définitions lui ont été collées. Lire la suite

  p. 129-130

Kauffmann_aveugles_Paris_Berlin_RussieIl est toujours plus facile de reconstruire l’histoire a posteriori, surtout s’il s’agit d’une histoire immédiate, fraîche pourrait-on dire. Pourtant, l’exercice vaut la peine d’être mené et il l’a été avec brio par Sylvie Kauffmann, dont l’ouvrage est un clin d’œil évident aux fameux « somnambules » de l’historien australien Christopher Clark (1). En résumant le livre de l’ancienne chef de la section internationale du quotidien Le Monde, Vladimir Poutine aurait mis tous les dirigeants européens dans sa poche – fort large. Pour l’Allemagne, ce fut le gaz et l’énergie bon marché, ingrédient indispensable à sa machine industrielle. On sait qu’Angela Merkel, mais elle fut loin d’être la seule, défendit mordicus Nord Stream I et II, qui devaient acheminer chacun 55 milliards de m3 de gaz en Allemagne (dans sa circonscription). Pour la Grande-Bretagne, ce fut l’argent des oligarques pour lesquels Londongrad, du fait de ses dispositions fiscales et de ses commodités, fut un havre. Mais il ne s’est pas agi des seuls amis de Poutine. Nombre d’entre eux, comme Boris Berezovsky y ont laissé leur vie ou ont été tués comme son agent de sécurité Litvinenko, ancien du FSB. Pour l’Italie de Silvio Berlusconi, qui a défendu jusqu’à son dernier souffle l’agression russe en Ukraine. Pour la France enfin, toujours attachée à sa diplomatie gaullo-mitterrandiste, sa volonté d’indépendance et son désir de se démarquer des États-Unis ; le rêve permanent de construire une architecture de sécurité avec Moscou, c’est-à-dire avec Vladimir Poutine qui a côtoyé quatre Présidents français, trois Chanceliers allemands et pas moins de sept Premiers ministres anglais et plus encore d’Italiens. Lire la suite

  p. 130-131

Bihan Benoist et Lopez Jean : Conduire la Guerre – Entretiens sur l’art opératif  ; Perrin, 2023, 395 pages - Thibault Lavernhe

Lorsque deux historiens militaires français de haut niveau publient, sous forme de dialogue, leurs échanges autour de l’art opératif, le résultat est à la hauteur des espérances : passionnant. Mobilisant leurs vastes connaissances de la conflictualité à l’époque contemporaine et leur expertise de la pensée militaire soviétique, les deux partenaires offrent un parcours intellectuel à la fois clair et concis autour de cette notion souvent invoquée mais généralement mal comprise qu’est l’art opératif. Ni stratégie, ni tactique, ni simple « niveau opérationnel de la guerre », ce concept est au cœur de la question clausewitzienne de savoir « comment employer les combats favorablement à la guerre ». Car si la stratégie poursuit des buts et si la tactique cherche à résoudre des problèmes dans les combats, l’art opératif, qui prend corps au début du XXe siècle avec les travaux de Sviétchine (1927), permet quant à lui à la violence d’être efficace. Derrière cette finalité en apparence simple, se cache en réalité une maïeutique intellectuelle qui n’a rien d’évident, et que Benoist Bihan et Jean Lopez se proposent justement de décortiquer. Lire la suite

  p. 132-132

Revue Défense Nationale - Février 2024 - n° 867

24 février 2022, deux ans après...

Preamble

Since the terrorist attacks of 7 October 2023, Houthi rebels have been supporting Hamas by harassing shipping passing through the strait of Bab-el-Mandeb, at the entrance to the Red Sea. The Strait has become an area of heightened tension and a response to the aggression needs to be found. Iranian support for the Houthis makes the situation even more sensitive.

Freedom of navigation is a key principle of the law of the sea. It is nevertheless being challenged in the Red Sea by the Houthi rebel attacks that have been taking place since 7 October 2023. This new period of uncertainty for shipping acts counter to the needs of international commerce and could well lead to serious strategic consequences.

24 February 2022: Two Years Later…

The absurd war waged by Russia against Ukraine concerns us directly. Moscow loathes our liberal democratic system and seeks to weaken us. Long-term support for Ukraine is therefore essential, and means that defence industry should transition to a war economy. We also need to strengthen our role within NATO in order to respond to threats.

The war waged by Russia against Ukraine is in constant violation of international law, despite which allied efforts in support of Kyiv remain insufficient for it to tip the balance of force. The risk therefore is of allowing Moscow to impose its strategy of fait accompli and of being subservient to a totalitarian regime.

In contrast to Ukraine, which had already learned from the 2014 fiasco, Russia had difficulty with its badly-managed partial mobilisation in September 2022. After two years of war, practices and key issues in each of the countries remain very different, and contrast Kyiv’s democratic style of management with Moscow’s authoritarian approach.

Spectacular attacks, especially those in Sevastopol, highlight a daring Ukrainian naval strategy despite a lack of heavy assets. Agile, tested modes of action supported by technological innovations meant humiliating losses could be inflicted upon the Russian navy. The difficulty will be to maintain the effort in the long term.

Ukraine has managed to maintain a large proportion of its agricultural production despite the war. The conflict has forced this giant cereal producer to reorganise its logistics with the support of the European Union so that exports may continue by sea and by land. Whatever happens, the agricultural sector is set to remain a world-level operation.

Russia’s conflict with Ukraine has intensified the digital warfare now being waged everywhere, every day. Moscow entertains no restrictions on its quest to destabilise our societies through a strategy of disinformation aimed at spreading its influence. Cyber-attacks against targets of all kinds are a highly effective means of action. A cybernetic front line now joins that on the ground.

Northern Europe, and the Baltic Sea in particular, have since February 2022 become potential targets for Russia, which does not hold back from threatening this strategic area. Sweden and Finland, until recently neutral countries, have begun the process of joining NATO to improve their security with regard to Moscow.

The Franco-German tandem is facing a number of challenges, among which lies a difference in perception of strategic matters. The crisis opened up by the war in Ukraine has pushed Berlin to increase its defence effort without necessarily strengthening its cooperation with France. Work would nevertheless have to be done on bringing the approaches closer together in order to confront new threats.

The United Kingdom and Poland have long declared their support for Ukraine, to the extent of creating an ambitious bilateral partnership. For Warsaw, however, the main strategic interest is the Russian threat whilst London has a broader view which it shares with Washington, and which in particular looks towards China.

Beijing continually reminds us that Taiwan is an integral part of China, and declares it noisily, alternating demonstrations of force with undiplomatic language. In the short term an attack on the island seems unlikely in view of worldwide repercussions, but such a scenario cannot be entirely ruled out, given China’s imperial hubris.

During the January Davos World Economic Forum Switzerland tried to restore its reputation by offering to host a future peace summit on Ukraine. However laudable the proposal, it is difficult for the Swiss to be seen as impartial mediators in the Ukrainian conflict following their adoption of European sanctions against Russia and the consequent dent in Swiss neutrality.

Fifty years ago

Opinions

The Strasbourg-based Eurocorps could serve as both model and structure which would allow new synergy for the security and defence of Europe to be developed. By virtue of its organisation, it could develop a potential for innovation and interoperability which would benefit all partner countries and respond to future challenges.

The Indo-Pacific region is an area for potential military cooperation between France and Germany. Such cooperation would send a message of European commitment to the stability of that major region in terms of the global economy. France, with its territories, is already present and would be in a position to accommodate German forces to the benefit of numerous countries in the area.

Regional Approaches

The Islamic Republic of Iran has long vowed a fierce hatred of Israel and backs a number of actors in its challenge to Israel’s right to exist. The 7 October 2023 Hamas attack is an illustration of this. Closer relations between Teheran and Moscow further complicate the situation: at the same time, the Gulf States above all seek the stability essential to their economy.

Historical Approaches

Creating independent Central European countries after the Great War was a complex matter in a context of the collapse of the Russian, German and Austro-Hungarian empires. Horthy, Piłsudski and Skoropadskyi, all former military leaders, became political leaders who claimed sovereignty for their young countries. Their sometimes controversial heritage remains alive in the collective Eastern European memory.

Chronicles

Until the beginning of the twentieth century the army in general achieved its policing mission successfully. In the aftermath of the Great War, and notably on 6 February 1934, the army command was far more hesitant in responding to politicians’ demands, since maintenance of order and military operations are rather different in nature.

The year 2024 will be notable for several presidential elections that will be determinant for the future of South America. The new president of Argentina, Javier Milei, has already signalled a break with history. Regional matters and relations with the rest of the world will be affected by the votes cast.

The concept of force is central and invites us to question its role, and in particular how it is applied by the soldier. Legitimacy of use of force depends on several principles, among which its relationship with good and violence. Thereafter, the state has the primary role in defining the use of force and in justifying it to its citizens. Read more

Book Reviews

Nonjon Adrien : Le régiment Azov, un nationalisme ukrainien en guerre  ; Éditions du Cerf, 2023, 272 pages - Eugène Berg

Bihan Benoist et Lopez Jean : Conduire la Guerre – Entretiens sur l’art opératif  ; Perrin, 2023, 395 pages - Thibault Lavernhe

Revue Défense Nationale - Février 2024 - n° 867

24 février 2022, deux ans après...

Deux ans déjà que l’Europe se levait, hagarde, au petit matin du 24 février 2022 devant les images de l’invasion brutale lancée par la Russie contre l’Ukraine. L’« opération militaire spéciale » de Vladimir Poutine devait dénazifier, démilitariser et neutraliser un État qui n’existait pas à ses yeux. Rares étaient ceux qui pensaient que les Ukrainiens allaient résister et mettre en échec une armée plus nombreuse qui se présentait comme l’héritière de l’Armée rouge, celle qui avait battu l’Allemagne nazie – en passant sous silence les transferts massifs d’armements alliés.

Deux ans après, cette guerre de haute intensité ne fait plus la « une » des chaînes d’informations. D’autres actualités semblent plus porteuses en termes d’audience. Or, ce qui se passe à l’est de notre continent reste majeur pour notre sécurité. La Russie ne doit pas gagner, mais l’Ukraine a-t-elle les moyens de se relancer après l’échec de sa contre-offensive ? Il s’agit désormais d’une guerre d’attrition où la production d’obus est aussi essentielle que le nombre de bataillons. Moscou a su réorganiser son industrie de défense en produisant massivement, malgré les sanctions occidentales et au détriment de la population russe, mais dont la résilience face aux privations est historique. La Russie bénéficie aussi du soutien iranien et nord-coréen.

Est-il possible d’entrevoir la fin de ce conflit alors qu’aucun des camps n’est en mesure de prendre l’ascendant ? Les inconnues sont nombreuses dans cette équation insoluble parmi lesquelles les élections européennes de juin avec une stratégie de désinformation-manipulation clairement assumée par Moscou afin de favoriser des partis populistes et nationalistes hostiles au projet européen. De même, l’échéance américaine de novembre s’oriente vers un duel Biden-Trump, ce dernier étant marqué par une volonté de vengeance : sa remise à plat de la politique étrangère des États-Unis sera brutale, au détriment fort probable de l’Europe et donc de l’Ukraine.

Tandis que les artilleries s’affrontent à l’Est, d’autres théâtres voient la guerre se prolonger. C’est évidemment la Bande de Gaza où l’offensive israélienne, en réponse aux attaques terroristes du 7 octobre 2023, se poursuit avec des destructions massives et l’impossibilité de parvenir à une trêve pour permettre de libérer la grosse centaine d’otages encore aux mains du Hamas et de ses alliés. C’est aussi la montée en tension sur l’artère vitale mer Rouge–canal de Suez où les attaques des Houthis depuis leurs bases du Yémen et avec l’appui de l’Iran désorganisent le trafic maritime mondial. Les risques ? Une reprise de l’inflation mondiale et une déstabilisation d’une région déjà fragile, sans parler du manque à gagner pour l’Égypte dont les revenus apportés par l’économie du canal représentent la troisième source de devises après le tourisme.

Alors, navigation à vue que ce soit en Europe de l’Est ou au Proche-Orient sans que l’on parvienne à voir au-delà de l’horizon pour trouver des solutions acceptables. Les mois à venir seront exigeants pour les nerfs de nos dirigeants… ♦

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Février 2024 - n° 867

24 février 2022, deux ans après...

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