Editorial
Éditorial
Depuis la fin de la guerre d’Algérie en 1962 et jusqu’au milieu des années 1970, l’horizon stratégique de la France se concentrait principalement sur la montée en puissance de la dissuasion nucléaire avec la mise en service des Mirage IV, des missiles du plateau d’Albion, puis des Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) classe Redoutable. La principale menace était alors le Pacte de Varsovie dirigée par l’URSS, la guerre froide étant la réalité géopolitique avec un monde principalement bipolaire. Cette politique de défense confortait également le choix, voulu par le général de Gaulle, de l’indépendance et de la souveraineté de la décision militaire.
Le Proche et Moyen-Orient (PMO) s’est alors rappelé comme nouveau théâtre d’engagement à la fin des années 1970, suite à la guerre du Kippour en 1973 puis à l’effondrement du régime du Chah d’Iran et la révolution islamique qui s’ensuivit avec l’arrivée au pouvoir à Téhéran de l’Ayatollah Khomeiny. Dès lors, Paris s’est retrouvé engagé, tant au Liban qu’en Méditerranée orientale, dans la péninsule Arabique ou en océan Indien dans de nombreuses opérations obligeant nos forces à revoir leurs modes d’action et leur fonctionnement.
À l’heure où nos frégates patrouillent en mer Rouge et engagent le feu contre des cibles hostiles, où la Finul au Sud-Liban poursuit sa laborieuse mission à nouveau prise entre Israël et le Hezbollah depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, il est plus que pertinent de revenir sur cette longue période entre les années 1970 et le début du XXIe siècle où le PMO est devenu un des principaux théâtres pour l’engagement de nos armées. Ce numéro, construit en partenariat avec le Service historique de la Défense (SHD), dépasse le simple cadre de l’histoire pour contribuer directement à la compréhension de la guerre actuelle et de la complexité géostratégique d’une région toujours clé pour l’équilibre mondial. Là encore, comprendre le temps long est essentiel pour construire une stratégie crédible et efficace.
En ce printemps 2024, la confrontation imposée par la Russie, tant à l’Ukraine qu’à l’Europe, confirme le besoin de remontée en puissance pour nos forces, remontée certes confortée par la Loi de programmation militaire (LPM 2024-2030) mais qui doit s’accélérer au regard des inquiétudes actuelles. Là encore, nos armées sont engagées dans des réformes structurelles devant leur permettre de gagner en efficacité et en réactivité. Là encore, il n’est pas sans intérêt de se replonger dans notre propre passé pour mesurer combien cette capacité à se transformer est essentielle. Pour l’Armée de terre, la réforme conduite à la fin des années 1970 par le général Lagarde, alors Cémat, reste emblématique de cette nécessité. Certes, le contexte stratégique n’est plus le même, mais bien des leçons de cette ambitieuse refonte des forces terrestres méritent d’être relues aujourd’hui. Certes, il ne s’agit pas de reproduire ce modèle mais bien de s’interroger et de construire un système de forces capable d’embrasser un spectre de plus en plus large de menaces et d’y apporter un éventail de réponses opérationnelles les plus efficaces dans tous les champs et milieux. ♦