Les États-Unis, malgré le reset vers l’Asie, ont longtemps négligé l’Océanie et le Pacifique Sud. La Chine en a profité pour chercher des relais régionaux. Washington s’efforce de rattraper son retard avec de nombreuses initiatives militaires et diplomatiques, mais les États insulaires souhaitent conserver leurs liens économiques avec Pékin. La question sera à nouveau débattue à l’occasion des élections américaines de novembre.
Les États-Unis de Joe Biden et le reset manqué de la primauté en Océanie
The United States Under the Biden Administration and the Failed Reset of Primacy in Oceania
Despite its reset towards Asia, the United States has long neglected Oceania and the South Pacific, and China has taken advantage of the situation to seek regional links. Washington is trying to catch up by deploying numerous military and diplomatic initiatives, but the Island countries wish to preserve their economic ties with Beijing. The matter will be raised again in relation to the US elections in November.
Malgré une volonté de reconquête de leadership en Indo-Pacifique depuis quatre ans, le ré-engagement tardif de l’Administration Biden en Océanie a mis à mal l’ambition américaine d’une grande stratégie dans la région. Dès 2021, Washington a mis l’accent sur le renouvellement et le renforcement des partenariats stratégiques avec la création de l’alliance AUKUS, incluant l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Toutefois, force est de constater que cette approche a négligé les îles du Pacifique Sud, qui sont pourtant au cœur de la grande stratégie de la Chine, principal compétiteur des États-Unis dans la région. Une analyse des dynamiques politiques dans les Pays insulaires du Pacifique (PIC) met en lumière les lacunes de la stratégie américaine et sa perte de primauté effective. La récente réorientation de la posture stratégique américaine en Océanie, depuis 2022, bien que prometteuse, doit surmonter des décennies de négligence et d’opportunités manquées.
Les enjeux de la reconquête du Pacifique Sud pour l’Administration Biden
Les relations entre les États-Unis et l’Océanie (pour Washington, les îles du Pacifique Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) ont longtemps été marquées par des incompréhensions et des négligences stratégiques (1). Pendant des décennies, les États-Unis ont adopté une approche souvent superficielle des petits États insulaires, traitant ces nations comme s’il s’agissait d’un bloc homogène avec des besoins et aspirations uniformes (2). La présence américaine en Océanie remonte à la Seconde Guerre mondiale, lorsque les États-Unis ont établi des bases militaires dans le Pacifique pour contrer l’avancée japonaise. Après la guerre, ils ont maintenu une présence militaire significative, comme le Ronald Reagan Ballistic Missile Defense Test Site aux Îles Marshall. Cependant, avec la décolonisation et l’indépendance des nations insulaires, l’intérêt pour le Pacifique Sud a diminué. Les guerres de Corée et du Vietnam ont orienté la stratégie américaine vers l’Asie du Nord-Est, délaissant progressivement l’Océanie. Les États-Unis ont alors négligé les relations bilatérales avec les petits États insulaires, se concentrant plutôt sur des alliances plus larges avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande (3).
Malgré une équipe proactive au Conseil de sécurité nationale pour achever la bascule stratégique vers l’Asie, l’Administration Biden a délaissé les îles du Pacifique Sud jusqu’à récemment. La centralité de la question chinoise a occulté les spécificités des autres acteurs. Ce n’est qu’avec la première Pacific Partnership Strategy, en 2022 que les États-Unis ont commencé un véritable ré-engagement dans cette région. Celle-ci vise à renforcer les relations avec les îles du Pacifique Sud par des initiatives diplomatiques, économiques et sécuritaires, une reconnaissance tardive de l’importance stratégique et économique de cette sous-région. L’ambassadrice à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a reconnu cette faiblesse en déclarant au printemps 2024 que l’attention et l’intérêt des Américains pour le Pacifique Sud s’étaient atrophiés (4).
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