De nombreuses communautés chinoises existent dans les îles du Pacifique Sud, avec des activités très variées dont le commerce et les services. Pékin s’efforce de préserver les liens avec des politiques dédiées dans les domaines économique, politique et sécuritaire. Certaines initiatives chinoises sont cependant mal perçues par les États insulaires, en raison d’un entrisme de Pékin parfois trop visible.
Les communautés chinoises dans les îles du Pacifique Sud : un atout pour la RPC ?
Chinese Communities in the South Pacific Islands: an Asset for the PRC?
There are many Chinese communities present in the South Pacific Islands, whose wide-ranging activities include trade and services. Beijing is making efforts to maintain ties, using dedicated policies in the fields of economics, politics and security. Nevertheless, some Chinese initiatives are not well received by the Island countries because of Beijing’s somewhat over-intrusive attitude.
Les relations entre la Chine et le Pacifique, antérieures à la venue des Européens dans la zone, s’expliquent par la proximité de l’Asie du Sud-Est d’où viennent les premiers marchands chinois (华商) en quête d’opportunités commerciales (perles, bois de santal) qui étendent leurs réseaux à l’ensemble de la région. À ces pionniers se joignent, à la fin du XIXe siècle, des travailleurs chinois sous contrats (华工) importés de Chine par les Européens, à l’image de la puissance coloniale allemande pour l’exploitation des ressources naturelles aux Samoa, en Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) et à Nauru. Ces premiers migrants, essentiellement des hommes, se marient avec des femmes locales et s’intègrent aux sociétés insulaires en maintenant, comme aux Samoa, une forte mémoire de leur culture et de leur histoire chinoise. La Guerre du Pacifique, puis les indépendances des États insulaires participent à une ré-émigration de ces populations chinoises dans l’ensemble du Pacifique, renforçant leur implantation économique et familiale réticulaire. Dans les années 1970-1990, s’y installent des descendants de Chinois d’Asie du Sud-Est et des Chinois de Taïwan. C’est à partir des années 1990 et au début des années 2000 que reprend l’immigration chinoise en provenance de la RPC (1). Ces flux en provenance de la RPC auraient, dès 2000, fait dire à l’un des spécialistes de la région, Ron Crocombe : « Certains se demandent si cette augmentation du nombre de citoyens chinois, qui se produit dans toute la région, n’est pas soutenue secrètement par Pékin pour renforcer la présence chinoise (2). »
L’intérêt constant de la Chine depuis 1978 à l’égard des communautés chinoises (anciennes et nouvelles) à l’étranger, renforcé depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, se traduit par l’élaboration et la mise en œuvre de politiques dédiées. En premier lieu, depuis plus de trois décennies, la Chine s’emploie à favoriser les mobilités de ses ressortissants et des descendants de Chinois via une politique migratoire facilitant les sorties, les retours et les circulations. À titre d’exemple, Pékin s’emploie à obtenir des gouvernements étrangers l’exemption de visas. La gestion des mobilités s’accompagne d’une politique diasporique, ou politique du maintien des liens avec ces communautés, fondée sur trois piliers : les associations, les médias et la préservation de la culture chinoise. Si ces deux politiques sont réapparues dès les années 1980, la politique de protection devient effective au début des années 2000. Depuis, elle s’est considérablement étoffée au plan légal (Promulgation en 2023 du premier règlement sur la Protection consulaire), institutionnel (augmentation des représentations chinoises à l’étranger) et sécuritaire (projection des forces de sécurité chinoise – armée et police – pour la protection des intérêts des populations établies à l’étranger). Ces politiques sont relayées par les gouvernements chinois locaux, en particulier ceux dont sont originaires les plus importantes communautés outre-mer : Guangdong, Fujian et Zhejiang (les trois provinces côtières de Chine du Sud).
La Chine continentale montre ainsi un intérêt soutenu à l’égard des Chinois d’outre-mer (Huaqiao/华侨), mais aussi à l’égard de ceux ayant changé récemment de nationalité (Huayi/华裔) et plus généralement des descendants de Chinois (Huaren/华人). Dans quels buts ? Ces communautés chinoises peuvent-elles constituer pour Pékin, comme l’a affirmé R. Crocombe, un atout dans sa stratégie d’expansion dans le Pacifique Sud ? Il semble qu’à l’instar de leurs homologues installés dans d’autres parties du monde, les communautés chinoises des îles du Pacifique Sud soient un relais économique, politique et sécuritaire de la présence régionale de la Chine et constituent un levier supplémentaire en faveur de son expansion stratégique.
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