La question des grands fonds marins (GFM) dans la région est éminemment complexe tant les enjeux sont importants et les approches sont différentes selon les acteurs. Entre exploitation des ressources et préservation de l’environnement, de nombreuses options sont possibles avec l’ambiguïté de la relation avec l’État français.
Grands fonds marins : quel Pacifique pour l’Indopacifique français ?
The Deep Ocean: Whither the French Indo-Pacific?
The deep ocean in the region is particularly complex issue, given the magnitude of the stakes involved and the varying approaches of different actors. Given the ambiguity of the relationship with France many options are possible, between exploitation of resources and preservation of the environment.
La notion de grands fonds marins est apparue récemment dans les discours de politiques publiques et en particulier dans la foulée du Grenelle de la mer de 2009 qui marque la volonté du gouvernement français de se doter d’une politique maritime intégrée. Une stratégie nationale en la matière a été développée en 2015 et actualisée en 2020 via un groupe de travail du Secrétaire général de la mer (SG Mer) (1), dont les auteurs de cet article faisaient partie. Il était constitué de représentants des ministères concernés, des instituts de recherche et de l’industrie via le Cluster maritime français. Les territoires des Outre-mer étaient absents, alors que les espaces dont il était question étaient majoritairement situés dans le Pacifique français qui regroupe environ les deux tiers de la Zone économique exclusive (ZEE) française (68 %, 6,9 sur 10,2 millions km2).
La politique maritime est symptomatique des relations de l’État français à ses Outre-mer, en particulier océaniens, entre oubli, tension et instrumentalisation. On retrouve dans cette mécanique un schéma qui correspond aux discordances observées dans les relations Nord-Sud entre une stratégie indopacifique promue en particulier par les États-Unis (avec les Nouvelles routes de la soie comme alternative chinoise), reprise par ses alliés, et une volonté d’autonomie régionale qu’exprime le discours du Blue Pacific qui a pris la forme d’une stratégie géopolitique, formalisée par le Forum des îles du Pacifique (FIP) en 2017 (2). Dans ce contexte, quelle est la place du Pacifique, et en l’occurrence des territoires français d’Océanie, dans l’Indopacifique promu par l’État français à la recherche d’une « troisième voie » entre États-Unis et Chine ? Cette question est abordée ici au prisme des grands fonds marins (GFM) qui constituent un enjeu clé, complexe et disputé à l’échelon global tout comme dans le cadre du Pacifique insulaire.
Stratégie française grands fonds marins : tournant et oubli
Le travail d’actualisation de la stratégie GFM française de 2019-2020 était orienté vers l’objectif central d’exploration et d’exploitation des ressources minérales profondes. Les opérations envisagées s’organisaient autour de l’idée de promouvoir un opérateur minier national dans ce secteur et d’un projet de pilote industriel. Une expertise collective était prévue qui devait faire un état des lieux des connaissances et des enjeux en la matière, à l’image de celle réalisée en 2014-2016 en Polynésie française (3). Le changement d’orientation décidé par le Président français le 30 juin 2022 lors de la conférence des Nations unies sur l’océan (4) allait changer la donne.
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