Les États océaniens sont considérés à tort comme des acteurs secondaires, relevant de sphères d’influence des États-Unis ou de la Chine. Il convient de les prendre en compte et de les comprendre. Ils revendiquent un véritable espace stratégique qu’ils sont en mesure d’assumer, sans liens de dépendance extérieure.
Regards océaniens : repenser sécurité, récits et compétition stratégique
Views from Oceania: Rethinking Security, Perceptions and Strategic Competition
Oceanian countries are wrongly thought of as secondary actors within the US or Chinese spheres of influence, yet they need to be understood and taken into account. They lay claim to an area of genuine strategic value for which they are able to take responsibility without dependence on external aid.
Le 21 mars 2024, après avoir déclaré quelques mois auparavant vouloir s’associer avec la Chine, les Fidji ont finalement conclu un accord de modernisation de leurs chantiers navals avec l’Australie. « Ceux qui veulent asseoir leur influence dans la région cherchent des vides à combler. Et le gouvernement australien travaille d’arrache-pied pour être le meilleur partenaire, de sorte qu’il n’y ait pas de vides à combler (1). » Ainsi, si l’on s’en tient aux déclarations de Canberra, la compétition stratégique entre les partenaires traditionnels et Pékin semble avoir fait de l’Océanie un « vide à remplir ». Ceci prête à confusion et souligne la difficulté à cerner une région dynamique mais hétérogène.
En effet, en appréhendant trop souvent l’Océanie sous le prisme du sensationnalisme et de l’exacerbation de la menace, nous oublions d’adopter une démarche centrée sur ces mêmes États insulaires, et de s’enquérir de leurs actions, opinions, perceptions et postures stratégiques face aux convoitises qu’ils suscitent. Dès lors, en partant de leur définition même de la sécurité, comment perçoivent-ils cette compétition stratégique dont nous parlons tant ? Cet article nous invite à repenser nos conceptions préétablies sur des thématiques très médiatisées, comme la sécurité, les récits ou encore la compétition stratégique à l’œuvre dans la région. Nous décentrons ainsi notre regard, et tentons de redonner une place à des voix trop souvent passées sous silence.
Face à la complexité, une conception élargie de la sécurité
Institutionnalisation des enjeux sécuritaires
L’incertitude stratégique croissante émanant de la concurrence entre grandes puissances a, en partie, conduit le Forum des îles du Pacifique (FIP) à déployer des efforts conséquents pour définir son environnement et ses priorités sécuritaires. En effet, les États insulaires sont allés plus loin que les Déclarations d’Honiara (1992), d’Aitutaki (1997) et de Biketawa (2000), qui reconnaissaient le besoin d’adopter une approche globale, intégrée et collaborative à l’égard de la sécurité et encadraient, au niveau régional, des mécanismes de coordination en cas de crises.
Il reste 91 % de l'article à lire
Plan de l'article