Cet article estintéressant pour l'étude du débat intérieur qui se livre au Japon sur les problèmes de réarmement. Mais, au lieu de considérer le Japon comme le pays modèle du XXIe siècle, pilote d'un nouvel ordre international mondial, on peut se demander s'il n'est pas simplement une anomalie, celle d'une Nation qui ne jouit pas pleinement de sa souveraineté, puisqu'elle s'en remet à une autre, les États-Unis, pour sa protection. Il ne peut en résulter, pour elle, qu'une limitation de sa liberté d'action. Elle ne peut mener une politique « équidistante des blocs » et dépend du monde libre pour ses débouchés commerciaux, sans lesquels elle s'asphyxierait dans sa situation insulaire. Telle pourrait être la véritable signification du franchissement de la barre des un pour cent du PNB pour les dépenses de défense qui prend une véritable allure de mythe. Nous renvoyons ici à la chronique « Revue des Revues » de mars analysant un article de M. Yukio Satoh (consul général à l'ambassade du Japon à Londres) paru dans le numéro 4-81 de Politique étrangère, de l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Enquête sur le réarmement au Japon
Alors que la Conférence sur la Sécurité et la Coopération Européenne (CSCE) a repris ses travaux, chacun est en droit de s’interroger sur la notion de désarmement. Les manifestations pacifistes qui se déroulent dans toute l’Europe monopolisent la réflexion sur un problème angoissant, le faisant passer pour une préoccupation eurocentriste. Or, le Japon lui aussi, gendarme ou plutôt « Bobby de l’Extrême-Orient », s’interroge gravement sur la nécessité ou non de réarmer. Pour mieux comprendre la portée de l’enjeu, nous essayerons de présenter la question dans toute son ampleur à travers trois optiques différentes : une réflexion sur la notion japonaise de l’armement ; la position du Japon dans le débat sur l’énergie et dans les relations internationales.
Tout d’abord, pour parler d’un éventuel réarmement du Japon, il est nécessaire de comprendre ce que signifie la notion de l’armement (sous-entendu atomique) ou du réarmement tout court. Pour ce faire, mieux vaut reprendre le débat tel que le commentent les intellectuels japonais eux-mêmes (1). Nombre d’entre eux se font les adversaires d’un réarmement de l’archipel. Tel Tanaka Michitaro (2), il faut s’interroger sur les facteurs profonds qui ont permis au Japon de vivre en paix depuis 1945. La Constitution pacifiste dont les États-Unis ont doté le Japon n’est pas un argument majeur. Selon eux, la paix a été possible grâce à un élément sociologique (l’homogénéité de la population renforcée par le consensus) et un élément de politique extérieure, « l’équilibre de la terreur ». Cependant, cet équilibre ayant été rompu par de multiples interventions soviétiques, « c’est dans ce contexte que l’on doit prendre en considération la défense du Japon ». Réarmer l’archipel en tant que tel ne ferait, dès lors, qu’aggraver le déséquilibre. La faiblesse militaire du Japon nécessite que l’immense voisin qu’est la Chine prenne des mesures dissuasives vis-à-vis de l’URSS. Mais le gouvernement de Tokyo devrait prendre garde que sa sécurité ne dépende que du bon vouloir de Pékin. La formule à adopter pourrait donc être : pourquoi réarmer unilatéralement puisque le problème doit être envisagé globalement et multilatéralement ?
Le deuxième courant de pensée, plus cynique, penche pour le statu quo et une politique de démilitarisation. L’analyse repose sur deux arguments. Le premier, sur la tradition de démilitarisation de la société japonaise ; le second, sur « l’impossibilité-certaine » de l’invasion de l’archipel nippon. Dans le premier cas, selon l’universitaire Kamishima Jiro (3) : « Les révolutions en Occident ont… été l’œuvre de citadins ou de paysans armés qui, après avoir constitué l’armée révolutionnaire, ont formé l’armée nationale. L’autorité coercitive de l’État occidental moderne a généralisé l’armement sur le postulat qu’il fallait que les citoyens portent des armes. Au Japon, au contraire, l’autorité coercitive de l’État moderne s’est consolidée avec la généralisation du désarmement. » En effet, Toyotomi Hideyoshi, grand seigneur du XVIe siècle, lança sa campagne de « Chasse au Sabre » en 1588, désarmant les populations paysannes et citadines. La révolution du Meiji, instaurant, le 28 décembre 1872, le service militaire obligatoire, désarma pour sa part les Samouraïs (guerriers), leur interdisant de jure de porter le Sabre en août 1876 (4). « La possession des armes devint droit exclusif de l’État. » L’acceptation de la Constitution antimilitariste imposée au Japon après la guerre qui, pour la première fois dans le droit international, refusait à un État le droit de belligérance, correspondait pour certains à un sentiment antimilitariste traditionnel japonais (5). Le corollaire de cette théorie est que les supporters du réarmement agissent surtout pour des motifs politiciens (dérivatifs aux difficultés intérieures, voix électorales, manne financière de l’extrémisme politique).
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