La Nouvelle-Calédonie et l’Indonésie ont en commun l’exploitation du nickel. Le secteur du premier est désormais en crise suite à la concurrence du second, plus compétitif sur le marché. Or, le nickel pèse pour 94 % de ses exportations : pour Nouméa, il s’agit d’un enjeu politique majeur avec le risque d’un effondrement de cette industrie, d’où l’obligation d’entamer une réflexion collective pour sortir du « tout nickel ».
Géopolitique du nickel : Indonésie/Nouvelle-Calédonie, destins liés ?
The Geopolitics of Nickel: are Indonesia’s and New Caledonia’s Destinies Tied?
New Caledonia and Indonesia are both nickel-producing countries. The industry of the first is in crisis as a result of competition from the second, which is more competitive in the market. And yet nickel accounts for 94 per cent of New Caledonian exports, which makes it a major political stake for Noumea in view of the risk of collapse of the industry. Thus, there is a need to apply collective consideration to evolving from this nickel-dependent trade environment.
La Nouvelle-Calédonie et l’Indonésie présentent la particularité d’avoir une histoire commune qui s’est déclinée depuis la fin du XIXe siècle par l’implantation notamment d’une importante diaspora indonésienne. Outre ce fait historique et démographique, ces deux archipels distants d’environ 6 000 kilomètres dans la partie occidentale de l’océan Pacifique, détiennent chacun d’importantes réserves de nickel et figurent parmi les principaux producteurs mondiaux : en 2023, l’Indonésie est le 1er producteur mondial (52 %) et la Nouvelle-Calédonie occupe la 3e place (6 %). La filière nickel en Nouvelle-Calédonie traverse une grave crise qui a conduit les trois usines métallurgiques au bord de la faillite. En cause, un déficit de compétitivité notamment vis-à-vis de l’Indonésie et une chute de 45 % du prix du nickel rien que pour l’année 2023, entraînant des pertes colossales pour ces trois acteurs industriels.
Dans quelle mesure, la stratégie du leader indonésien en matière d’exploitation et de valorisation de son nickel joue-t-elle un rôle dans cette situation ? Et quelles en sont les conséquences ? Dans un premier temps, nous analyserons les causes endogènes et exogènes d’une telle crise du modèle métallurgique néo-calédonien. Puis dans un second temps, nous verrons quelles sont les perspectives envisagées pour maintenir l’activité métallurgique en Nouvelle-Calédonie face à une compétition géopolitique mondialisée dans laquelle l’Indonésie rencontre paradoxalement des difficultés.
Les causes endogènes et exogènes d’une crise structurelle en Nouvelle-Calédonie
Minerai découvert dans l’archipel calédonien en 1864, le nickel a façonné l’histoire, le peuplement, le paysage et la situation sociale, politique et économique de la Nouvelle-Calédonie. Malgré la découverte d’autres minerais, il est le seul dont l’exploitation a été continue durant toute l’histoire de l’archipel. Pendant plusieurs années, le nickel a été essentiellement utilisé pour la fabrication d’aciers inoxydables que l’on retrouve dans de nombreux secteurs économiques (chimie, automobile, bâtiment, monnaie et aéronautique). Structurellement, l’économie néo-calédonienne est largement tributaire de cette ressource puisqu’elle évolue dans une situation de mono-exportation (94 % de la valeur des exportations néo-calédoniennes en moyenne ces cinq dernières années selon les données de l’ISEE (1)) et souffre du « syndrome hollandais » (2) qui contribue à l’affaiblissement des autres secteurs de son économie. À ce jour, il s’agit encore aujourd’hui de la principale source de revenus de l’archipel (20 % de la richesse marchande en 2019 selon l’ISEE (3)) et l’un des principaux employeurs : 13 000 emplois sont directement (sites miniers, usines métallurgiques, etc.) ou indirectement (sous-traitants) liés à cette activité, soit près d’un emploi sur quatre en Nouvelle-Calédonie. Grâce au nickel, la Nouvelle-Calédonie bénéficie d’un haut niveau de développement largement supérieur à celui de toutes les autres collectivités d’outre-mer et comparable aux voisins australiens et néo-zélandais.
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