Le Pacifique, durant plusieurs décennies à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, a été un lac américain avec une domination sans partage de la marine et des forces armées américaines sur l’ensemble de la région. Cette situation n’était pas totalement nouvelle puisque, dès le milieu du XIXe siècle, les États-Unis ont commencé à s’intéresser au Pacifique, boutant d’ailleurs les Espagnols de la zone en 1898.
La France dans le Pacifique : aspects stratégiques (mars 1988)
France in the Pacific: Strategic Aspects (March 1988)
For several decades following the Second World War the Pacific was an American lake, completely dominated by the US Navy and US armed forces. The situation was not entirely new, since the United States had shown interest in the Pacific from the middle of the 19th century and had driven the Spanish out of the area in 1898.
Le Pacifique, durant plusieurs décennies, a été un lac américain avec une domination sans partage de la marine et des forces armées américaines sur l’ensemble de la région. Cette situation n’était pas totalement nouvelle, puisque dès le milieu du XIXe siècle les États-Unis ont commencé à s’intéresser au Pacifique et il y avait même eu dès le début du siècle dernier rivalité avec la Russie ; elle ne prit pas un tour tragique et les relations entre la Russie tsariste et les États-Unis furent sereines durant tout le XIXe siècle.
Il faut rappeler que la Russie a été le plus fervent partisan de l’Union durant la guerre de Sécession, et lorsque la Russie d’Amérique fut vendue en 1867 par le gouvernement de Saint-Pétersbourg, elle le fut certes parce qu’elle était jugée indéfendable et de peu d’intérêt, mais les Russes craignaient plus une attaque franco-britannique du type de celle qui avait pu se produire durant la guerre de Crimée qu’une offensive américaine. Le secrétaire d’État Seward qui avait négocié cet achat, fortement blâmé d’ailleurs par une partie du Congrès et de l’opinion, n’était guère suivi quand il rêvait d’un Pacifique Nord entièrement contrôlé par les États-Unis. On l’oublie aujourd’hui, mais au XIXe siècle il y eut un très fort courant dans les milieux diplomatiques américains qui tendait ni plus ni moins qu’à l’annexion pure et simple du Canada ; l’annexion de l’Alaska par Seward était le prélude à celle de la Colombie britannique. Des négociations officieuses eurent lieu entre les Britanniques et les Américains pour se briser très vite sur l’apparition du nationalisme canadien.
Le Pacifique a été le centre de conflits de puissance dès la fin du XIXe siècle et on peut dire que son histoire récente est au fond celle d’une série d’éliminations successives. Le premier acteur exclu a été l’Espagne après la guerre de 1898, qui perdit les Philippines. En 1918, on a chassé les Allemands des comptoirs et des îles qu’ils avaient pu acquérir. En 1945, le Japon s’est vu évincé de toutes les positions qu’il avait conquises dans le Pacifique central à la suite de 1918. Puis, durant les années 1945-1955, la Grande-Bretagne s’est trouvée mise à l’écart, avec beaucoup de discrétion mais également avec beaucoup de fermeté. Londres a été ulcéré lorsqu’en 1947, Washington a opposé un refus poli mais catégorique à son association à l’ANZUS. La relation privilégiée entre la Grande-Bretagne et l’ensemble Australie–Nouvelle-Zélande était défunte, au moins sur un plan stratégique. Dorénavant, les discussions concernant la défense du Pacifique se dérouleront entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Cette défense a été réglée par une série d’accords militaires, dont les plus importants sont ceux de Radford-Collins de 1951 qui ont défini le partage géographique des tâches entre la marine américaine et celles d’Australie et de Nouvelle-Zélande ; ces dernières ont pris à leur charge une superficie réellement énorme s’étendant sur 100 degrés. Il est vrai qu’à l’époque, la menace était extrêmement faible puisque de bateaux soviétiques, il n’y avait point.
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