Comment représenter de manière adéquate un continent isolé, fortement marqué par son insularité ? Comment appréhender dans sa globalité un territoire aussi vaste, où la cohérence régionale se trouve défiée par la multitude de territoires éloignés aux dynamiques variées ? L’Atlas de l’Océanie, rédigé par Fabrice Argounès (Université de Rouen-Normandie), Sarah Mohamed-Gaillard (Inalco) et Luc Vacher (La Rochelle Université), offre une exploration fascinante d’une région longtemps mystifiée et marquée par son éloignement géographique. Publié en 2021 dans sa seconde édition, cet ouvrage de 96 pages offre un éclairage unique sur cette région complexe. Ce travail ambitieux se confronte aux difficultés de représenter l’Océanie, continent constitué d’un ensemble discontinu d’îles éparpillées dans l’océan Pacifique, caractérisé par la distance, l’isolement et une diversité culturelle foisonnante. Les auteurs mettent en lumière les défis inhérents à la cartographie de cette région, marquée par des échelles variables et une temporalité décalée du reste du monde. À travers les cartes élaborées par Mélanie Marie, ils proposent une nouvelle approche de ce continent, transcendant la vision eurocentrique dominante qui réduit souvent l’Océanie à une région périphérique mal représentée. Les cartes du monde, en la fragmentant en deux parties étirées aux bords du globe, occultent ainsi son véritable poids géographique. Cependant, en adoptant un centrage approprié et un système de projection adéquat, il est possible de mettre en lumière l’immensité du Pacifique et de l’Océanie.

Ainsi, l’ouvrage retrace, à l’aide de cartes adaptées, l’histoire de l’Océanie. L’Atlas explore sa construction, en se penchant sur sa conception par les Occidentaux, dévoilant les premières perceptions des Européens sur la région océanique. Les auteurs se concentrent également sur la conquête du Pacifique par les Océaniens et examinent le caractère mystique associé à cette région. Avec sa multitude de territoires et de modes de gouvernance, la région, où la coutume reste très prégnante, questionne des concepts préétablis, à l’instar de la souveraineté et des formes de pouvoirs. Continent riche et attractif, l’Océanie nous invite, par ailleurs, à repenser le concept d’identité, dans un espace démesuré où les territoires qui la composent sont éloignés les uns des autres, abritant quelque 6 000 langues différentes. Les nombreux défis auxquels est confronté le continent océanien, tels que l’isolement géographique, les menaces environnementales, les défis du développement économique, les revendications identitaires et les migrations, présentent autant de risques que d’opportunités. En effet, bien que ces défis puissent représenter des menaces, ils offrent également des occasions de développement. L’ouvrage met en lumière les stratégies innovantes développées par les populations pour surmonter ces obstacles, transformant ainsi l’Océanie en un véritable laboratoire d’innovations et de résilience. Du fait de sa position stratégique, située entre l’Asie et les Amérique, l’Océanie, avec ses 44 millions d’habitants, émerge indéniablement comme un acteur clé dans la mondialisation. Elle devient un témoin privilégié des évolutions du monde contemporain et des rapports de force géopolitiques, au profit des pays asiatiques et de la Chine. Comprendre l’Océanie est donc essentiel pour saisir les nouvelles dynamiques dans la région Asie-Pacifique.

En somme, l’Atlas de l’Océanie offre une analyse approfondie et éclairante d’une région souvent méconnue mais cruciale dans les dynamiques mondiales contemporaines. Grâce à une approche multidisciplinaire, alliant géographie, histoire et sciences politiques, et richement documentée, cet ouvrage constitue une ressource précieuse pour quiconque s’intéresse à ce continent. L’Atlas est assurément un outil indispensable pour acquérir un socle de connaissances et de compréhension de la région. ♦