Framing the Islands: Power and Diplomatic Agency in Pacific Regionalism
Framing the Islands: Power and Diplomatic Agency in Pacific Regionalism
Nous faisons partie d’un « monde de régions », nous dit Peter Katzenstein, politiste germano-américain. Le Pacifique, une région ? Son nom évoque plutôt un océan, un archipel à la rigueur ; une constellation, tantôt appelée Océanie, tantôt mers du Sud. Derrière ce mot, Greg Fry, lui, voit une région. Certes pas au sens européen du terme, mais une région tout de même.
En une douzaine de chapitres, résultat de trente-cinq années d’un « long journey » de recherche, le chercheur australien nous montre tout ce que le Pacifique a de régional – et tout ce que le régionalisme a, en l’espèce, de pacifique. La naissance du Pacifique, en ses îlots, pouvait-elle être autre chose qu’un vecteur de paix ? Le politiste autrichien Leopold Kohr, apôtre du morcellement, aurait sans doute répondu par l’affirmative. Les premières pierres de cet édifice ont certes été posées par les Occidentaux : bien avant la formation de la Commission du Pacifique Sud en 1944-1947, les avant-gardes régionales furent l’École médicale centrale et la Haute Commission du Pacifique Ouest, créations coloniales. Toutefois, l’inspiration est plus ancienne. Citant les réflexions de Sir Ratu Kamisese Mara, homme politique fidjien, Greg Fry nous montre que ce projet politique tire sa légitimité d’un passé considéré comme harmonieux, dans une Océanie d’avant-guerres vue comme une longue paix, tissée d’échanges ; ce serait ces liens qu’il faudrait raviver, cette « tunique sans couture » (Lucien Febvre) qu’il faudrait recoudre, après que la colonisation l’a déchirée. Pourtant, rappelle le chercheur, le Pacifique, en tant qu’idée, doit son existence aux Occidentaux : avant leur arrivée, cette région ne pouvait se penser en tant que telle, puisque les îliens pensaient être le monde. C’est bien l’arrivée de l’Autre qui fit naître le rêve Pacifique : c’est pour tenir tête aux puissances impériales qu’au XIXe siècle, le royaume hawaïen conçut un projet de confédération polynésienne, comprenant les Fidji, Tahiti, les Samoa et les Tonga. On ne peut s’empêcher de penser à la coalition des petits États insulaires, s’unissant contre l’élévation du niveau des mers, attribuée à l’activité des Grands. Comme un symbole, le rêve hawaïen se dissipa dans la douleur de l’invasion américaine.
Dans cet océan, l’idée de région a donc précédé l’État, mais la région comme réalité est née avec lui. Le tout et la partie naissent du même coup. Dans le contexte des décolonisations, des décennies des décolonisations, en 1971, le Forum des îles du Pacifique (FIP) voyait ainsi le jour. Il semblait en effet logique que s’unissent spontanément ces États, parmi les plus petits au monde et parmi les plus dépendants à l’aide économique. Aux nombreuses questions qu’il pose (Le Pacifique est-il devenu une région ? Dans les faits ? Quel a été l’impact de ce construit, sur les vies des îliens ? Les bâtis régionaux ne sont-ils qu’une arène pour discutailleries diplomatiques ?), Greg Fry ne répond pas toujours. Il affirme certes qu’avec le temps, les institutions ont acquis un certain poids, ont assumé de nouveaux rôles, politiques, diplomatiques (pensons aux petits États insulaires qui ont progressivement remplacé le Forum des îles du Pacifique à l’ONU comme porte-parole régional). Cependant, à la question « à qui profite cette intégration ? », l’auteur ne tranche pas entre plusieurs options : cette « construction du Pacifique » (comme on dirait construction européenne) a-t-elle été l’agent de la mondialisation ? des visées hégémoniques australiennes et néo-zélandaises ? de l’autonomie accrue des îles ? Dans le jeu à somme nulle de la scène mondiale, il semble bien qu’il ne peut pas y avoir que des gagnants. L’auteur conclut en s’interrogeant sur le futur de l’intégration régionale du Pacifique : la pression extérieure devrait demeurer forte en faveur de cette intégration, mais qu’en décideront les citoyens ? Quoi qu’il en soit, l’environnement stratégique incitera les îliens, c’est certain, à faire preuve de solidarité… Le Pacifique n’a pas fini de chercher à faire corps. ♦