Notre société va mal, remettant en cause de nombreux fondamentaux qui avaient constitué la Nation. Parmi les questions sensibles où la passion l’emporte trop souvent sur la raison : l’immigration, avec la mutation des zones de départ, posant la problématique de l’identité culturelle et religieuse. Les débats sont désormais clivants avec le risque de fractures irréversibles.
Défense, démographie, immigration : pour parler de tout ce qui fâche
Defence, Demography and Immigration: The Difficult Subjects
There is a malaise in our society: it is calling into question a number of the foundations upon which the nation was built. Among those sensitive subjects about which passion often surpasses reason lies immigration: changes in immigrants’ origins pose a problem of cultural and religious identity. These debates are now divisive, and risk irreversible societal breakdown.
Les enjeux de défense ne se limitent pas aux mouvements militaires. Géographie, démographie, résilience du corps social, affectent les capacités des armées et les possibilités stratégiques. Dès lors, le corps social militaire n’est pas imperméable aux questions migratoires, ce d’autant plus que pour beaucoup, les mouvements de population au sein des territoires se sont structurés par des adjonctions terrestres ou maritimes avec leurs habitants d’origines diverses, ou par des importations de populations pour combler les pertes d’un conflit majeur précédent (particulièrement après la Première Guerre mondiale en France).
Il reste à comprendre aujourd’hui la problématique de la relation complexe entre réalités sociales, mouvements migratoires et réactions autour d’une tentative de création d’une ligne Maginot construite sur les fondations branlantes d’une interprétation (souvent très créative) de l’hégémonie culturelle vue par le philosophe et théoricien politique italien Antonio Gramsci (souvent cité, peu explicité) : le roman national contre le flux social. Et parfois même le récit national. Car au-delà de l’hégémonie culturelle se pose donc, en arrière-plan, souvent occulté mais toujours présent, le débat sur l’homogénéité religieuse. L’historien Patrick Cabanel, spécialiste des minorités religieuses, le soulignait ainsi : « Au Moyen-Âge, la France avait déjà connu la présence de minuscules minorités juives, vaudoises ou cathares. Mais il s’agissait de groupes marginaux qu’on avait écrasés ou expulsés. Avec la Réforme, la situation n’est plus la même. Les protestants français représentent rapidement une minorité substantielle – sans doute 10 à 12 % de la population vers 1560. Dans un premier temps, la monarchie française voulut éradiquer le protestantisme, mais cela s’est avéré impossible. Au seuil des années 1560, elle se décide donc à le “tolérer”. Au XVIe siècle, le terme n’a pas le sens positif qu’il a aujourd’hui : il signifie uniquement que l’on accepte ce qu’on ne parvient pas à faire disparaître (1). » Cependant, la situation a beaucoup évolué et provoque une « minorisation » de l’ancienne population dominante : « Dans l’histoire de France, les catholiques ont non seulement toujours été majoritaires, mais ils ont longtemps représenté la quasi-totalité de la population. Au début du XXe siècle encore, 98 % des Français étaient catholiques, au moins nominalement (2). »
Paul Weyrich, fondateur de la très conservatrice Heritage Foundation et grand rénovateur du clivage avec les démocrates américains, n’exprime pas autre chose en reconnaissant dans sa « Lettre aux conservateurs » de 1999 (3), aussi appelée The Culture War Letter : « Tout d’abord, nous avons supposé qu’une majorité d’Américains était fondamentalement d’accord avec notre point de vue. […]. Le deuxième postulat était que si nous pouvions élire suffisamment de conservateurs, nous pourrions faire entrer nos hommes à la tête du Congrès et ils se battraient pour mettre en œuvre notre programme. […] En d’autres termes, nous avons fait élire nos partisans. Mais cela ne s’est pas traduit par l’adoption de notre programme. La raison en est, je pense, que la politique elle-même a échoué. Et la politique a échoué à cause de l’effondrement de la culture. La culture dans laquelle nous vivons devient un égout de plus en plus large. En vérité, je pense que nous sommes pris dans un effondrement culturel de proportions historiques, un effondrement si grand qu’il submerge tout simplement la politique. […]
Il reste 87 % de l'article à lire