Présentation
Le thème du colloque qu’avaient organisé conjointement le 17 juin, sous la présidence de M. Jean-Marie Soutou, Ambassadeur de France, le Comité d’études de défense nationale, éditeur de la revue, et la Fondation pour les études de défense nationale, avait pour libellé : « Volonté de défense et sécurité de l’Europe ».
Pour bien comprendre notre propos, il n’est probablement pas inutile de préciser que, lorsqu’à l’automne dernier nous avons sélectionné les sujets qui seraient traités au cours de nos réunions-débats de l’année, nous avions alors retenu comme thème du présent colloque : « Pacifisme et neutralisme en Europe ». Nous étions en effet à l’époque sous le coup des impressionnantes manifestations « pacifistes » qui venaient de se dérouler en Allemagne fédérale, à Hambourg, à Berlin et à Bonn, et qui avaient été suivies, on se le rappelle, par des démonstrations de masse ayant le même caractère en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Belgique, au Danemark et en Norvège. Récemment, comme le savent nos lecteurs, cette vague s’est étendue à l’Italie et à l’Espagne, ne laissant plus que la France à l’écart du phénomène, encore que la « marche pour la paix » organisée le 20 juin, c’est-à-dire trois jours après notre colloque, par le PCF, la CGT et à l’appel de cent personnalités, communistes ou non-communistes, ait réuni plus de deux cent mille manifestants, au dire de ses organisateurs.
À l’époque, il nous avait donc paru intéressant d’essayer d’analyser en profondeur, au sein de notre comité et avec l’aide des meilleurs experts qui veulent bien nous honorer de leur collaboration, le phénomène du pacifisme-neutralisme européen. Mais, depuis, nous avons constaté que cette analyse avait été entreprise dans beaucoup de revues, y compris d’ailleurs la nôtre (1). Nous avons su aussi qu’elle faisait l’objet d’études approfondies au sein de nombreux centres de réflexion, en particulier à l’Institut français des relations internationales, qui a constitué un groupe de travail à cette fin, et à la Fondation du futur (2).
Nous avons donc été amenés à réorienter le propos de notre journée d’études dans deux directions. Nous l’avons d’une part fait porter sur la « volonté de défense » des pays européens plutôt que sur leur propension au pacifisme-neutralisme, ce qui nous permettait aussi d’inclure la France dans notre analyse ; et nous avons voulu, d’autre part, mettre plus particulièrement l’accent sur les conséquences du phénomène pour la « sécurité de l’Europe », conformément à la vocation propre de notre comité, ce qui nous permettait en même temps d’examiner les réactions américaines. Ces réactions étaient d’autant plus intéressantes à analyser que les États-Unis étaient maintenant frappés à leur tour par la vague de pacifisme, comme l’avait montré une manifestation qui avait eu lieu sur ce thème à New York trois jours avant notre colloque et qui avait réuni plus d’un million de personnes.
Pour animer nos réflexions sur le sujet de notre journée d’études, devenu ainsi plus ambitieux, nous avions fait appel aux experts éminents énumérés ci-après dans l’ordre de leur contribution, et qui s’étaient répartis comme suit son analyse :
— M. Joseph Rovan, professeur de civilisation allemande à l’Université Paris III, a résumé pour nous ses réflexions sur les attitudes qui, en République fédérale, peuvent mettre actuellement en question sa volonté de défense ;
— M. Jacques Huntzinger, professeur de relations internationales à l’Université Paris X et secrétaire du Parti socialiste aux relations internationales, nous a fait part de son opinion sur la situation en France dans ce domaine ;
— M. Michel Tatu, éditorialiste du journal Le Monde, dont il a été le correspondant à Moscou et à Washington, a examiné les réactions qui se développent aux États-Unis face au pacifisme européen et aussi, comme l’exigeait l’actualité, les tendances du nouveau pacifisme américain ;
— M. Jean Klein, chargé de recherches au CNRS et directeur d’études à l’Ifri, a analysé les différents points de vue allemands sur l’évolution de la sécurité en Europe ;
— M. François de Rose, ambassadeur de France et ancien représentant de notre pays au Conseil de l’Atlantique Nord, a développé les idées qu’il avait présentées peu de temps auparavant dans un article très remarqué paru dans Le Monde (3), sur le rôle que pourrait prendre la France dans la sécurité de l’Europe.
Nous remercions vivement ces personnalités de leur très précieuse contribution. Nous remercions aussi, avec la déférence qui convient, M. Jean-Marie Soutou, ambassadeur de France et ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, de nous avoir fait part, à l’issue de nos débats, qu’il avait bien voulu présider comme nous l’avons déjà mentionné, de son incomparable expérience avec la haute et souriante sagesse que nous lui connaissons.
Nos lecteurs trouveront ci-après la reproduction des exposés liminaires des cinq orateurs qui ont animé notre colloque, puis un résumé anonyme des débats auxquels nos invités, venus particulièrement nombreux, ont participé comme toujours de façon très active et très franche et, enfin, en guise de conclusion, quelques réflexions qui nous sont strictement personnelles. ♦
(1) En particulier Défense Nationale de janvier 1982, l’article de François-Georges Dreyfus : « Pacifisme et neutralisme en Allemagne Fédérale aujourd’hui », et le numéro d’avril 1982, l’article de François Fejtö : « La politique allemande de l’URSS ». Voir également dans le numéro de novembre, l’article de Pierre Schwed : « Le pacifisme sert-il la paix ? ».
(2) En particulier celui, franco-allemand, du 25 janvier 1982, intitulé : « À l’écoute de la République Fédérale d’Allemagne », au cours duquel il fut largement débattu du pacifisme-neutralisme européen.
(3) Le Monde, 14 avril 1982, « Dissuasion hexagonale ou défense européenne ? » par François de Rose.