L'état du monde 2001. Annuaire économique et géopolitique mondial
Avec L’état du monde 2001, les éditions La Découverte fêtent le vingtième anniversaire de leur annuaire, né sous le patronage d’Yves Lacoste. Le livre est en deux parties. La première est un tableau général des relations internationales et de l’économie mondiale. La seconde présente successivement 225 États et territoires non indépendants, regroupés en 38 « ensembles géopolitiques », choix discutable que justifie Yves Lacoste lui-même. Suivent, en annexe, des tables statistiques. 51 cartes éclairent le texte. La bibliographie est importante. Cent spécialistes ont contribué à l’entreprise.
L’objectivité, et sur des sujets aussi chauds que le Kosovo ou l’euro-atlantisme, est sans faille. Si l’on peut juger optimiste Pierre Marie Decoudras dans sa présentation de l’Afrique, et bien timide Théophile Kouamouo sur les affreux événements qui ont ensanglanté le Liberia et la Sierra Leone, on appréciera le franc-parler avec lequel on traite de l’Asie méridionale et orientale. « L’Asie n’est pas pacifique », écrit Pierre Gentelle, « il n’y a pas et il n’y a probablement jamais eu de valeurs asiatiques », ni de civilisations qui puissent ici « prétendre à l’universalité ».
Sans doute le rythme annuel de la publication n’est-il pas propice aux grandes envolées. Ce vingtième exemplaire met pourtant en exergue une idée-force : le monde est en mutation. C’est, bien sûr, de mondialisation qu’il s’agit, préférence annoncée en introduction par Bertrand Badie. Trouverons-nous là l’objectivité en défaut et le parti pris affiché ? Peut-être. Si Bertrand Badie montre bien la contradiction entre l’interdépendance mondiale et le désir d’État manifesté par des collectivités émergentes, il n’en voit pas moins « la cité d’hier en survie artificielle et coûteuse », le bien commun transétatique, la démocratie mondiale (façon Seattle 99). Or la « communauté cosmopolite » ainsi exaltée, au moins jugée inéluctable, apparaît bien déshumanisée. Devant les troubles de société dont l’Occident donne le spectacle, on peut souhaiter, à l’inverse de l’auteur, une refondation de l’État national, plus apte, dans ses dimensions modestes, à y faire face.
On regrettera enfin la discrétion de l’ouvrage sur l’originalité de la puissance américaine. C’est que la notion de puissance, américaine ou pas, est en question. Les statistiques publiées en annexe permettent là-dessus d’intéressantes observations. Les Nations unies ont élaboré un nouvel indicateur. Cet IDH, « indicateur du développement humain », combine PIB par habitant, espérance de vie, niveau d’instruction, donnant ainsi une mesure du bien-être. Le résultat est parfois surprenant. Relevons seulement le classement de trois pays souvent cités comme candidats à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité : le Brésil est 74e, l’Inde 128e, le Nigeria 151e. Certes la Russie, membre permanent dûment accrédité, est 62e et la Chine 123e, mais cette double anomalie s’explique : dans l’évaluation de la puissance des nations, l’histoire pèse aussi son poids. ♦