Cet article a pour objet d'éclairer la politique européenne de la Russie, en expliquant l'importance pour les dirigeants russes des théories géopolitiques en vogue à Moscou dès 1992. Les constructions géopolitiques permettent de restaurer une continuité dans la politique étrangère russe : l'adversaire reste les États-Unis, qu'il s'agit d'évincer du continent européen. Les méthodes employées n'ont guère changé non plus : instaurer des relations bilatérales avec les États européens, en commençant par l'Angleterre, la priorité restant comme toujours à l'Allemagne, le seul véritable allié potentiel de la Russie aux yeux de Moscou dans le projet « continental ». Quatre facteurs ont permis à la Russie de relancer sa politique européenne : la crise énergétique, le projet américain de défense antimissiles, la création de « l'euroforce » et la panne du moteur franco-allemand. En signant des accords de coopération militaire bilatéraux avec les principaux pays européens, la Russie poursuit un double but : faire assumer aux Européens une partie de l'entretien et de la modernisation du complexe militaro-industriel russe ; saper les liens transatlantiques. La proposition russe de la création d'un système de défense antimissiles européen s'inscrit dans cette logique.