À la fin de l'année 2000, coïncidence remarquable, trois livres paraissent sur trois sujets pareillement abominables. Le Cambodge, l'Afrique de l'Ouest (Liberia et Sierra Leone), le Rwanda, ont été, dans le dernier quart de notre terrible XX e siècle, le théâtre d'horreurs sans nom. Voyant midi à notre porte, ressassant ad nauseam le sort que le nazisme a fait à nos juifs d'Europe, il n'est pas mauvais que trois auteurs nous obligent à regarder en face trois enfers qui, pour être exotiques, ne le cèdent guère au nôtre.
Parmi les livres - Diableries
Le premier livre est un témoignage (1). François Bizot, spécialiste des traditions bouddhiques, arrive au Cambodge en 1965. Capturé par les Khmers rouges, qui ne sont pas encore au pouvoir, le 10 octobre 1971, il est libéré fin décembre, échappant de peu à une mort programmée. Il est à Phnom Penh en avril 1975 lorsque les gens de Pol Pot y entrent.
L’expérience qu’a François Bizot de la diabolique entreprise des Khmers rouges est donc double. Détenu d’abord au camp d’Omleang, il lui faut se laver du soupçon d’appartenance à la CIA qu’on veut, sans la moindre vraisemblance, lui faire avouer. Il mesurera la pesante bêtise dans laquelle l’idéologie enferme ses geôliers et la terreur que fait planer l’ombre de l’Angkar, maître d’œuvre mystérieux et vénéré de la rénovation par le vide. Avec Douch le chef de camp, F. Bizot nouera pourtant une relation ambiguë où, sous l’écorce du révolutionnaire borné, il décèle ce qui reste de l’homme ordinaire. Libéré, il s’indignera de l’aveuglement de nos politiques et intellectuels, qui continuent à tenir les Khmers rouges pour les valeureux défenseurs de leur peuple face à l’impérialisme américain.
Seconde expérience de l’auteur : l’arrivée des Khmers rouges à Phnom Penh le 17 avril 1975, le « nettoyage » de la capitale entièrement vidée de ses habitants et la difficile négociation pour sauver notre ambassade. Français et étrangers, évacués sur la Thaïlande, seront en effet sauvés ; point les Khmers qui avaient cherché refuge derrière le « portail », titre du livre.
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