Dans le nouvel environnement issu de l'après-guerre froide, où les enjeux de sécurité sur l'échiquier international ont été durablement modifiés, la marine adapte sa stratégie et ses moyens en visant leur adéquation aux réalités les plus probables. Ses nouvelles orientations portent avant tout sur la modification des parts relatives de la dissuasion et de la stratégie d'action. Ainsi, la composante de dissuasion est maintenue à un seuil de suffisance réévalué et l'action à partir de la mer est privilégiée. Mais la marine inscrit aussi sa stratégie dans une perspective accordant au service public une attention grandissante, et à travers son engagement résolu au service de la construction de l'Europe de la défense. En développant un outil cohérent, souple et plus polyvalent, et en optimisant l'interopérabilité avec nos alliés, notamment avec nos partenaires européens dans le cadre des objectifs fixés par le Conseil européen d'Helsinki, pour des missions désormais à vocation interarmées, la marine entend jouer un rôle essentiel dans le système de défense du XXIe siècle.
Une stratégie navale, pour la France et l'Europe
Fin de la guerre froide, fin du siècle. Le troisième millénaire s’ouvre sur un constat quelque peu insolite : la réflexion stratégique, se renouvelant, doit emprunter des chemins peu familiers, presque inconnus : la France ne connaît plus d’ennemi désigné, mais la paix reste fragile et le besoin de sécurité élevé. L’apparition de nouveaux risques, crises et conflits localisés, incluant des formes de terrorisme, modifie profondément le cadre d’action des opérations et leur concept ; pour les forces navales, le centre de gravité des zones d’affrontement s’est déplacé de la haute mer vers les espaces maritimes continentaux. Les interventions sont, par ailleurs, menées le plus souvent en interarmées et au sein d’une alliance ou d’une coalition internationale de circonstance, et les prises de décision sont devenues plus complexes et multiformes.
Dans ce tournant, il semble aussi que la mer soit désormais omniprésente. Espace de circulation des richesses, des influences et des cultures, espace de manœuvres stratégiques, espace de liberté fragile, mais qui permet d’agir contre la terre, frontière naturelle, réservoir de ressources, les océans sont toujours cette immensité ouverte et fluide qui relie et alimente les cinq continents. Le processus de mondialisation des échanges, qui se développe selon les principes de fonctionnement en réseaux, propres à ceux du monde maritime, renforce encore ce phénomène de « maritimisation » de la planète et influe grandement sur les relations internationales. Ainsi, peu à peu, la distinction entre la mer et la terre s’estompe.
Dans la grande réévaluation géopolitique conduite depuis la fin de l’affrontement bipolaire, la dimension maritime des enjeux semble donc sensiblement confortée. Au sein des nations européennes, la France a voulu mettre en avant la reconnaissance de cet aspect du nouvel ordre stratégique hérité de la guerre froide. Celui-ci impose, en effet, à l’Europe de prendre en compte son exceptionnelle ouverture vers la mer lui permettant d’affirmer une présence, de préserver ses intérêts et de déployer, sans entrave, rapidement et dans la durée, des forces capables de concourir à la préservation de ses intérêts communs de sécurité. La voie a été ouverte à la reconfiguration de nos concepts stratégiques, de nos politiques globales et de nos institutions. Une réforme profonde de l’organisation de nos forces et de leur mode d’intervention a été engagée, afin de faire face, dans les meilleures conditions, aux nouveaux défis qui se dessinent aujourd’hui et pour le futur. Le Livre blanc sur la Défense de 1994, la décision de professionnalisation complète de nos forces armées, la loi de programmation militaire (1997-2002), le projet de la prochaine loi de programmation militaire (2003-2008) consécutive à la définition du modèle d’armées 2015, tout comme les avancées dans la construction de l’Europe de la défense, en constituent les éléments les plus marquants.
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