Une « stratégie spatiale pour l'Europe » est en cours d'élaboration dans un climat d'assez grand scepticisme sous les auspices de la Commission européenne et de l'Agence spatiale européenne. Le sujet sera immanquablement évoqué lors de la prochaine réunion ministérielle de l'Agence en novembre 2001. Chacun convient que l'exercice est nécessaire, et porteur d'avenir. Les spécialistes constatent que des pas concrets (programme de radionavigation par satellites, plan d'action pour une initiative sur le contrôle des risques majeurs, les phénomènes climatiques et la sécurité environnementale) sont effectués dans la bonne direction, même si le chemin est tortueux. Pourtant, un certain flou demeure et les questions reviennent : tout cela n'est-il pas pure et simple rhétorique ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une lutte pour le pouvoir dans le spatial ? Comment progresser sans bureaucratiser ?
Afin de répondre à des questions aussi pertinentes, il est proposé dans cet article « de terrain » d'analyser de façon rigoureuse la genèse du processus et de donner des pistes sur la façon de progresser vers une « copropriété européenne de l'Espace » qui ne serait ni une bureaucratie ni une vue de l'esprit.
La perception par la communauté aérospatiale du travail en cours depuis deux ans entre les agences spatiales et la Commission européenne en vue de trouver — un peu comme les explorateurs du siècle dernier à la recherche du Passage du Nord-Ouest — la voie d’une synergie plus grande entre acteurs, et de nouveaux moyens pour une politique élargie, demeure insuffisante et floue.
Il est vrai que le débat est trop souvent situé au seul plan des abstractions et des constructions bureaucratiques, alors que nul n’ignore que l’Europe se construit de façon originale, pragmatique, par un mouvement en profondeur en fonction de grands objectifs. Ainsi que le rappelait très récemment le président de la Commission, R. Prodi, devant les élèves de Sciences Po (29 mai 2001) : « Avant toute négociation institutionnelle, nous devons en premier lieu définir quels sont nos objectifs ». Le scepticisme à l’égard des « machins » conduit souvent à un mouvement de rejet ou dilatoire. Telle est apparemment la situation à laquelle nous sommes confrontés dans le domaine spatial depuis bientôt un an, puisque les résolutions ministérielles demandant de progresser concrètement sur la voie d’un rapprochement entre l’Union et l’ESA sont en date du 16 novembre 2000 : elles n’ont reçu qu’un timide début d’application, si l’on excepte un progrès dans la définition du concept et d’un « master plan » GMES (1), et un pas en avant, significatif il est vrai, dans l’organisation future de Galileo (2) (« entreprise commune »).
Ce n’est pas la bonne volonté des acteurs humains qui est en cause, mais l’habituelle lourdeur de grandes organisations dont les mouvements sont, par construction, lents et prudents. Ce phénomène, s’agissant de la stratégie spatiale européenne, est d’autant plus regrettable que les États membres « gros contributeurs », la France, l’Allemagne et l’Italie, sont en accord sur les principes, et que la présidence belge de l’Union européenne au second semestre 2001 ne manquera pas de souhaiter jouer un rôle de « facilitateur ». Alors, pourquoi ce flou, ces lourdeurs, cette difficulté persistante à mettre en œuvre un rapprochement réel ESA-Union européenne ? De quoi s’agit-il, quand nous parlons de « stratégie spatiale cohérente pour l’Europe » ? Telle est la première question à laquelle il convient de répondre. Comment parvenir à une meilleure synergie européenne, constitue une autre question, au fond secondaire, mais qui se révèle critique.
Les raisons
Comment progresser ?
ESA, UE, spatial, Galileo