Gestion des risques internationaux
Nous avons déjà eu l’occasion de présenter à nos lecteurs des ouvrages dirigés par Pascal Chaigneau, personnalité encyclopédique s’il en est, puisque titulaire de quatre doctorats (en lettres, droit, économie et sciences politiques), avocat international, directeur du Centre d’études diplomatiques et stratégiques, professeur à HEC, et maintenant professeur des Universités. Aujourd’hui, dans ce nouvel ouvrage et avec la participation d’une quinzaine d’experts pour la plupart juristes et économistes, il met à notre disposition une réflexion d’ensemble sur la « gestion des risques internationaux ». Et cela dans leur « nouveau profil », puisque, avec la fin de la guerre froide et l’arrivée de la « mondialisation », le contexte économique s’est profondément modifié ; il en est donc de même des concepts de « risque » et « indicateurs de vulnérabilité », chers aux économistes ; et c’est à leur actualisation que l’ouvrage a voulu se consacrer.
Nos lecteurs peuvent alors se demander en quoi cette recherche peut les concerner eux aussi, hormis pour leur culture générale, puisque, comme le leur rappelle le titre de notre revue, ils s’attendent à y trouver des réflexions sur la géopolitique et la géostratégie, au sens traditionnel de ces termes, plutôt que sur la « géoéconomie ». On appelle en effet désormais ainsi la démarche conceptuelle, qui, au niveau politique et pour un espace géographique donné, précède les prises de décision en matière économique. À ce sujet, nous nous permettrons de rappeler que, il y a un quart de siècle et alors que nous dirigions la présente revue, ayant constaté la similitude des vocabulaires employés par les « stratégistes » et les « économistes », nous avions, avec le regretté Henri Guiton, économiste de grand renom et directeur de la Revue d’Économie Politique, organisé un séminaire pour en débattre. Notre conclusion avait alors été que, s’il y avait similitude de langage, il n’y avait pas identité de signification ; mais aussi que les deux disciplines pouvaient y trouver matière à alimenter leur propre réflexion conceptuelle. C’est en cela surtout, pensons-nous, que l’ouvrage de Pascal Chaigneau peut intéresser nos lecteurs, et c’est pourquoi nous allons rapidement essayer d’y détecter les pistes qui méritent de retenir particulièrement leur attention.
L’ouvrage débute par une analyse des « enjeux de l’intelligence économique » sujet qui mérite effectivement cette attention, mais dont l’importance paraît maintenant bien perçue chez nous. Suit un chapitre qui traite de la nécessaire réactualisation du « risque pays », laquelle nous intéresse très directement puisque ce risque est aussi à la base de notre « évaluation d’une situation militaire ». Outre qu’à notre époque, les deux risques sont de plus en plus souvent concomitants, les méthodes employées pour une situation commerciale peuvent nous apporter aussi une terminologie plus évocatrice que la nôtre, et en tout cas mieux perçue par ceux qui sont peu familiers des questions militaires ; et même, peut-être, des pistes nouvelles sur les méthodes à employer pour appréhender nos propres problèmes. C’est en tout cas ce qui était apparu au cours du séminaire évoqué plus haut, puisqu’il avait surtout traité de la perception par les uns et par les autres du « risque pays ». Suivent deux chapitres qui traitent, respectivement, du « risque commercial » et « des risques de conflits dans les relations internationales » (commerciales). Ils peuvent, eux aussi, nous concerner, puisque la géopolitique commerciale tend de plus en plus à se confondre avec la géopolitique traditionnelle comme les États-Unis nous en offrent presque chaque jour la démonstration ; et nous nous permettrons d’ajouter, l’Union européenne elle aussi, puisqu’elle paraît vouloir se réfugier dans l’extension de son « marché commun », plutôt que d’oser prétendre au statut de « puissance mondiale ».
Les chapitres qui viennent après sont plus spécialisés dans les problèmes commerciaux, encore qu’ils abordent parfois des sujets qui concernent la géopolitique traditionnelle, comme, par exemple, les « sanctions économiques », les « embargos », les « risques logistiques », et les « risques juridiques internationaux ». Toutefois, il est un chapitre qui mérite particulièrement, pensons-nous, l’attention des lecteurs de cette revue, puisqu’il nous présente une analyse très documentée (et parfois sévère, à juste titre) des « risques liés à la globalisation de l’information ». Ajoutons qu’il émane d’un auteur particulièrement qualifié, puisque Thierry Garcin est le producteur très apprécié sur France Culture de l’émission quotidienne intitulée « Les enjeux internationaux », et qu’en outre, soit dit en passant, il est docteur en sciences politiques et ancien de l’IHEDN. Enfin l’ouvrage présente une étude qui peut aussi intéresser directement les « stratégistes », puisqu’il traite de l’« émergence de risques humanitaires », dans lesquels nos forces armées sont de plus en plus souvent impliquées, pour le meilleur et pour le pire ; il peut donc leur fournir quelques repères juridiques solides à ce sujet.
En conclusion, nous constaterons que Pascal Chaigneau nous apporte, dans son nouvel ouvrage, une contribution importante à la modernisation de notre réflexion stratégique, au sens où nous l’entendons ici. Ce qui ne peut nous étonner puisqu’il est aussi, nous avions omis de le noter plus haut, professeur au Collège interarmées de défense, avec lequel est d’ailleurs jumelé le Centre d’études diplomatiques et stratégiques qu’il dirige également, comme nous l’avions mentionné. ♦