Biélorussie : les mises en scène du pouvoir
Alena Lapatniova, spécialiste des rapports entre la société et le pouvoir en Biélorussie, décrypte au travers de son ouvrage les méandres de la politique dans ce pays. Le texte est augmenté d’une préface d’Alain Blum, directeur d’études à l’EHESS, de témoignages de Biélorusses et d’intéressantes annexes.
La Biélorussie est ici décrite comme un pays archaïque et caricatural : arrivée au pouvoir d’une dictature ignorante de tous les changements, méprisant toute opposition ; développement d’un réseau de clientèles ; démagogie exacerbée. Tout le pouvoir tourne autour du « personnage » du président Alexandre Loukachenko et de quelques bureaucrates du parti présidentiel. Dès lors est apparu un régime autoritaire, à tendance dictatoriale, utilisant une rhétorique et des symboles populistes dont le seul but est le maintien au pouvoir de l’actuel président. Ce régime repose certes sur la force et sur la crainte, mais plus encore sur la résignation d’une population pour laquelle l’histoire est synonyme de malheur (occupations, massacres et oppression sociale). Alexandre Loukachenko, tout en se présentant comme un homme proche du peuple, souligne sa différence avec ce dernier en se montrant dans sa « grandeur ». Pour asseoir son pouvoir dictatorial, l’histoire même de la Biélorussie a été entièrement revue et repose sur les bases de l’époque soviétique : la Révolution bolchevique et la « Grande Guerre Patriotique » (Seconde Guerre mondiale). L’indépendance est ramenée à l’actuel « règne » d’Alexandre Loukachenko ; son image, omniprésente, s’est construite autour de ses ennemis et ceux de la société, désignés comme coupables en lieu et place du pouvoir. Une telle attitude permet au président de détourner l’attention de la population des problèmes réels, tout en s’affichant comme « le seul rempart et le seul sauveur » pour un peuple « patient, calme, paisible et travailleur, croyant en son président et désirant la stabilité et l’ordre ». L’essentiel des attributs du pouvoir soviétique est ainsi restauré. En même temps, Alexandre Loukachenko a développé un nationalisme à la fois « antinational » et « provincial » (« folklorisation » de thèmes nationaux selon la pratique soviétique), fondé sur la revendication d’une fusion totale avec la Russie. ♦