Le destin de Tanger
La question des Dardanelles, si bien exposée ici par M. André Reussner (1), après une période d’acuité, est retombée dans un oubli momentané. Avec elle se réveillera celle des autres passages d’importance stratégique, qui fut probablement évoquée sans succès à la conférence de Potsdam et devant laquelle les « Grands » se sentent plus ou moins gênés : les États-Unis, par exemple, s’ils laissaient démilitariser Gibraltar à l’imitation des détroits turcs, n’aimeraient pas étendre l’analogie à Panama, quoi qu’en dise M. Wallace. Il sera difficile, cependant, d’éviter l’association des problèmes concernant les diverses issues méditerranéennes. Alors reviendra d’actualité le statut, de Tanger. La discussion ne saurait d’ailleurs en être indéfiniment renvoyée ; d’après les accords du 31 août 1945, elle devait être reprise avant le 10 avril 1946 ; la révision du régime rétabli provisoirement, celui de 1923, doit, de toute façon, être envisagée à partir de novembre 1947.
Avec les pourparlers en perspective se préparera une nouvelle période dans la destinée de Tanger. Destinée curieuse s’il en fut. Celle d’une position stratégique et maritime dont l’importance, sauf aux nébuleux débuts, est toujours restée à l’état potentiel ou passif. On y trouve illustrée la façon dont se modifia la conception militaire des détroits, au fur et à mesure que la civilisation se faisait de plus en plus maritime : quand la mer éclipse la terre, on se représente la garde des détroits comme celle d’un fleuve navigable, dans le cas contraire, comme celle d’un gué à travers un fleuve de couverture.
Tanger antique
Tanger fut d’abord une colonie punique. On peut être certain qu’elle constituait alors une place maritime à la fois militaire et marchande, les Carthaginois ne fondant guère, au loin, que des colonies de l’espèce. Il est permis de supposer qu’il y eut là plus qu’un comptoir et un point d’appui ordinaires, et qu’il s’agissait en outre de surveiller le détroit. Il était d’usage, alors, de détruire les concurrents plutôt que de les laisser prendre les routes dont on voulait garder le monopole ; on imagine très bien une flottille carthaginoise préposée à ce rôle ; sa base naturelle était Tanger.
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