La gestion des tensions et rapports de forces dans le monde multipolarisé qui émerge par à-coups de la guerre froide reste hésitante, tant la notion d'action militaire s'est déplacée du champ bien cultivé de la guerre des peuples, des frontières et des richesses à défendre vers la friche de la sécurité coopérative ou coercitive. L'attaque terroriste du 11 septembre a montré l'ampleur du décalage. Les modes stratégiques d'hier (menaces, affrontements, surclassement, occupations, appropriations...) vont devoir céder la place à des combinaisons nouvelles (influences, médiations, tutelles, intimidations, punitions...) qui restent à valider.
Pour de nouvelles combinaisons stratégiques
« Si vous ne pouvez attaquer directement votre adversaire, attaquez sa stratégie ». L’application brutale, le 11 septembre dernier, de ce principe chinois ancien (1) à la posture américaine de recherche de vulnérabilité minimum (zéro mort, contre-prolifération, bouclier anti-missiles…) fait mieux comprendre, à une communauté atlantique qui était venue à bout du monde soviétique en son temps, la nécessité d’une véritable révolution dans les affaires militaires ; pas vraiment ou pas seulement celle qui a prévalu outre-Atlantique, sous la pression technologique, mais plutôt celle qui se développe aujourd’hui sur le continent européen sous le vocable plus coopératif de « diplomatie de défense ».
Diplomatie de défense, le thème est en vogue. C’est heureux, mais ce n’est pas fortuit car la Diplomatie et la Défense, longtemps associées dans la préparation et la conduite des guerres, sont placées, au moins en Europe, devant la même réalité moderne : les guerres, en tout cas celles entre États, n’ont plus cours légal dans le monde occidental. Le dernier avatar d’entre elles, qualifié de froide pendant quarante ans, est resté sans affrontement militaire direct mais pas sans crises, tant s’en faut.
Ce sont, en effet, des crises à répétition qu’il faut affronter aujourd’hui, avec leur cortège de désordres, de risques, de paroxysmes. Pour les conjurer, les pays occidentaux, et principalement les Européens, doivent développer une nouvelle logique combinatoire de modes d’action internationaux renouvelés, préventifs et correctifs, dans lesquels diplomates et militaires se partagent la tâche de l’action extérieure de l’État, celle qui vise à conforter ses atouts stratégiques, à stabiliser ses approches, à sécuriser ses intérêts. Nouvelle posture de prévention, nouvelle coopération militaire, nouvelle diplomatie de défense, de quoi s’agit-il ?
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