Clausewitz tient une place à la fois centrale, ambiguë et fluctuante dans la pensée militaire américaine ; la place qui lui est réservée comme l'interprétation qui en est faite constituent un bon indicateur des tendances doctrinales. Née dans l'esprit américain des désastres français de 1870 mais détournée de sa dimension essentielle, la pensée clausewitzienne y confirme d'abord l'aspect absolu des fins militaires. Dans l'impasse coréenne, le nucléaire vient tuer la guerre et Clausewitz, avant d'engendrer la reconstruction des outils de l'action limitée puis celle du lien entre guerre et politique. Les interrogations résultant de l'échec vietnamien donnent à leur tour une nouvelle vie aux autres concepts du penseur, ceux liés à l'incertitude en particulier. Aujourd'hui, au moment où se réaffirme, hors de la menace nucléaire, la particularité américaine du lien entre guerre et politique, Clausewitz meurt à nouveau des ivresses technologiques.