Pour pouvoir disposer en tout temps d'un porte-avions – dont l'importance centrale dans la gestion des crises n'est plus à démontrer –, il faut effectivement en avoir au moins deux. Aujourd'hui, la France se retrouve avec un seul porte-avions, en ayant laissé se créer un vide incompressible. Il est donc plus que temps de décider la construction d'un deuxième dont le besoin est patent ; et de financer ce bâtiment par l'augmentation du budget d'investissement de la marine.
Plaidoyer pour un deuxième porte-avions français
Rappelons d’abord que par « porte-avions » — et on entend ainsi bien distinguer cet équipement des simples porte-aéronefs d’escorte conçus au départ pour assurer l’autodéfense anti-sous-marine et antiaérienne de forces navales à la mer — on doit comprendre un bâtiment avec catapultes et brins d’arrêt capable d’embarquer en particulier des avions de combat. La taille de ce bâtiment doit être en effet suffisante pour permettre de transporter une force aérienne significative : « le groupe aérien ». À dire le vrai, plus encore que de porte-avions avec son groupe aérien, on retient en fait pour la suite la notion de « groupe aéronaval », c’est-à-dire une force cohérente de bâtiments qui, outre le porte-avions et son groupe aérien et en complément avec lui, va comprendre — la composition est bien sûr adaptée en fonction de l’opération — un ou plusieurs sous-marins (nucléaires) d’attaque, des frégates, antiaériennes et anti-sous-marines, soutenus éventuellement par des aéronefs de patrouille maritime, etc.
Ces précisions étant acquises, il est vrai que depuis sa création (1), au début du XXe siècle, depuis surtout l’affirmation de son rôle durant la Seconde Guerre mondiale, on sait bien désormais l’importance centrale du porte-avions pour la gestion des crises où le pays en question souhaite s’impliquer. En effet, de toujours, cet équipement offre à ce pays un exceptionnel moyen d’affirmation de sa crédibilité militaire et diplomatique. Il représente un moyen d’action stratégique autonome remarquable, en raison de sa réactivité, de sa souplesse d’emploi, de sa capacité à durer, de sa possibilité de mettre en œuvre des avions de combat de façon indépendante contre des objectifs militaires, économiques, démographiques… rarement éloignés des côtes. Ce rôle indispensable et irremplaçable du porte-avions et du groupe aéronaval dans la gestion des crises s’est confirmé, voire encore peut-être renforcé, dans la période contemporaine (2) d’un nouvel environnement international marqué par des instabilités régionales et des foyers de guerre plus divers et plus actifs, où la notion de projection de forces tend à l’emporter sur celle de maîtrise des mers, où la doctrine d’emploi des forces navales évolue dans le sens d’un accroissement des actions de la mer vers la terre (3).
On pourrait — on devrait — sans doute illustrer plus avant cette efficacité du porte-avions et du groupe aéronaval avec les conflits plus récents. Ainsi en fut-il, plus particulièrement, des crises des Balkans des années 90, et, de façon encore plus présente et pressante, de l’opération « Liberté immuable », suite aux attentats du 11 septembre 2001 où on a bien vu la place décisive des porte-avions et de leurs groupes aéronavals, véritable colonne vertébrale du dispositif impressionnant mis en place à cette occasion par les Américains (4).
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