L'immigration est ressentie aujourd'hui comme une menace, dont il serait nécessaire et possible de se protéger par une politique de forteresse. Or les migrations sont une composante normale de la vie des sociétés. De plus les gouvernements n'ont qu'une capacité limitée à contrôler les flux humains. La mondialisation, même si les espaces terrestres sont occupés et partagés entre des États souverains, appelle une banalisation des migrations. Capacités de comparaison des populations, facilités de transport, émergence d'un marché planétaire du travail, enfin diffusion des droits de l'homme, tous ces facteurs concourent aux migrations. Les politiques d'immigration, en général policières, sont vouées à être profondément repensées et à s'internationaliser de plusieurs manières : coopérations entre gouvernements, entreprises et mouvements associatifs entre États d'accueil et États de départ.
Politique et diplomatie - L’immigration en perspective
Les élections récentes en Europe occidentale le confirment, l’immigration est aujourd’hui un enjeu politique majeur. Les préoccupations exprimées sont connues : arrêter le déferlement des « barbares » de l’Est et du Sud, préserver les identités nationales contre des cultures ressenties comme inassimilables. L’immigration mérite plus que des peurs, elle appelle une mise en perspective. Depuis l’aube de l’histoire des hommes, les migrations sont omniprésentes, toujours suscitées par les deux mêmes raisons, en général entremêlées : des bouleversements politiques ou sociaux, chassant des populations de leur terre ; la quête d’une vie meilleure. L’épanouissement de l’agriculture lors de la révolution néolithique tend à enraciner les hommes dans un village, tout en ne les mettant à l’abri ni de conquérants avides de richesses, ni de l’épuisement des sols. Depuis la fin du XVIIIe siècle, les révolutions industrielles remettent l’humanité en mouvement : les campagnes, en se modernisant, se retrouvent avec beaucoup trop d’hommes qu’elles expulsent vers les villes (la Chine actuelle est dans cette phase de transformation, vouée à s’amplifier dans l’avenir) ; aujourd’hui les mutations de l’industrie, la multiplication des services, l’explosion des réseaux portent de nouvelles migrations, celles-ci ne se réduisant jamais à un déplacement géographique mais constituant un changement multiforme (métier, genre de vie, culture).
La problématique des migrations est inséparable de la mondialisation. Les migrations obéissent aux mêmes principes que n’importe quel mouvement (marchandises, idées, modes), elles sont régies par les lois de l’offre et de la demande. Tout comme il y a mondialisation du commerce, il y a émergence d’un marché mondial du travail : ainsi, exemple parmi beaucoup d’autres, les milliers d’informaticiens indiens appelés aux États-Unis par des entreprises ayant besoin d’une main-d’œuvre précise. En même temps, les migrations sont « à part » : elles impliquent des hommes, des êtres qui rêvent, calculent, se trompent, ont des droits ou en revendiquent. Aujourd’hui, alors que les biens, les services, les capitaux s’échangent sinon librement du moins aisément, la circulation des hommes, tout en étant d’une intensité sans précédent, demeure très réglementée et surveillée. Pour paraphraser un propos (très cynique) de Staline, l’homme est un capital trop précieux pour être laissé libre !
L’objet de cet article est, tout d’abord, de souligner le remodelage radical de la question des migrations, ce remodelage étant loin d’être achevé. Dans ces conditions, que peut être aujourd’hui une politique d’immigration ?
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