L'auteur revient en détail sur l'aspect naval de la Seconde Guerre mondiale entre Allemands et Alliés : la supériorité maritime des seconds a obligé les premiers à se lancer dans une guerre de course, qui, comme lors de la Première Guerre mondiale, a échoué quand bien même elle a infligé de sérieuses pertes.
La voie de mer
On a dit « le Français adossé à trois mers regarde vers la terre », tant il est vrai, qu’à maintes reprises, au cours des siècles écoulés, le sort de la nation a paru se jouer exclusivement sur notre frontière du Nord-Est. De ce point de vue, la dernière guerre a complètement rompu avec cette tradition apparente, puisqu’après l’invasion totale du territoire, c’est vers la mer que, cette fois, l’attente anxieuse des Français a dû se tourner en faisant violence au réflexe ancestral. Le scepticisme général, instinctif et craintif du côté des patriotes, arrogant et de commande de la part des occupants, s’est trouvé balayé par les succès décisifs des débarquements de Normandie et Provence qui, pour beaucoup, furent une révélation, éphémère, du pouvoir de la mer.
Pourtant, il faut voir, dans ces événements mémorables, l’aboutissement spectaculaire du rôle grandissant que la mer a joué de plus en plus au cours des derniers conflits. Avec l’avènement des guerres totales mondiales, avec l’accroissement prodigieux du dynamisme et de l’équipement technique nécessaire aux forces de terre, de mer et de l’air, et, par suite, avec la nécessité de faire appel aux ressources les plus variées de tous les territoires accessibles, les arrières des forces engagées se sont étendus progressivement jusqu’aux points les plus éloignés de notre planète et cette évolution a évidemment donné une valeur de plus en plus importante à la voie de mer, qui est restée jusqu’à présent le seul moyen de communication à haut rendement avec les territoires lointains.
Au cours des trois derniers grands conflits, le Français combattant le « dos à la mer » n’était pas acculé à un obstacle hostile, mais, au contraire, épaulé et soutenu avec vigueur par des forces et des ressources acheminées imperturbablement par la puissance de mer victorieuse et tutélaire. De plus en plus, la partie non occupée du territoire national a pris l’aspect d’une tête de pont continentale alimentée par mer. En 1871, c’est grâce à notre écrasante supériorité navale sur la Prusse, que l’armement américain des armées de la Loire a pu traverser l’Atlantique. De 1914 à 1918, c’est par mer que nous est venu la presque totalité du charbon et du minerai nécessaires à notre industrie, d’énormes quantités de produits alimentaires et enfin les armées anglaises et américaines tout entières avec leur matériel et leurs approvisionnements. En 1939-1940, nous avons bénéficié comme d’une chose toute naturelle de cet atout formidable et il a fallu l’occupation pour que, brusquement rejetés de l’autre côté de la barricade, les Français restés en métropole mesurent ce qu’il en coûte d’être privés des ressources d’outre-mer.
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