Gendarmerie et sécurité intérieure - La réforme du dispositif de sécurité intérieure
Il est apparu nécessaire de revenir sur les principales mesures décidées par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, la première étant la constitution, le 7 mai 2002, d’un ministère de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales confié à Nicolas Sarkozy, avec comme conséquence la mise sous sa responsabilité de l’emploi des services de la gendarmerie (décret du 15 mai 2002) (1). Cette évolution a conduit d’ailleurs, sans renoncer au projet de rendre compte périodiquement des mutations de la gendarmerie, à étendre le champ de la présente chronique aux questions de sécurité intérieure.
Au-delà de la création des groupes d’intervention régionaux (GIR) (2), la nouvelle architecture de la sécurité intérieure s’appuie sur trois principales mesures : la réforme du conseil de sécurité intérieure, la poursuite de la départementalisation de la sécurité et la refonte du dispositif local de prévention de la délinquance (3).
La réforme du conseil de sécurité intérieure
Après la réélection du président Chirac, le Conseil de sécurité intérieure (CSI) a fait l’objet d’une réforme importante destinée à placer cet organe, et à travers lui le champ même de la sécurité intérieure, sous la responsabilité directe du chef de l’État, affirmant solennellement une suprématie, qui avait été contestée, sur la base d’une application stricte de la constitution de 1958 (et de son article 20 qui précise que le gouvernement « dispose de l’administration et de la force armée »), lors de la cohabitation avec le gouvernement Jospin.
Annoncé à l’occasion du colloque de Villepinte (« Des villes sûres pour des citoyens libres », 24-25 octobre 1997), le CSI première mouture était destiné à réunir autour du Premier ministre, les ministres de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice et le secrétaire d’État au Budget (chargé des douanes), d’autres ministres pouvant être appelés à siéger au conseil selon les questions inscrites à son ordre du jour.
Selon l’article 1er du décret du 18 novembre 1997 qui précisait ses modalités d’organisation, le Conseil de sécurité intérieure « définit les orientations générales de la politique de sécurité. Il veille à la coordination de l’action des ministères et de la mise en œuvre de leurs moyens en matière de sécurité ». Les délibérations de cet organe politique étaient préparées par un groupe permanent (article 3), présidé par le directeur du cabinet du Premier ministre et composé des directeurs du cabinet des ministres membres du conseil, ainsi que des directeurs d’administration centrale ayant des attributions en matière de sécurité intérieure (police, gendarmerie, administration pénitentiaire, douanes, sécurité civile…).
Le décret du 15 mai 2002, qui abroge celui du 18 novembre 1997, apporte trois modifications importantes à l’organisation du CSI : la présidence revient au président de la République ; le Premier ministre en devient un membre au même titre que les ministres impliqués dans la sécurité intérieure ; le secrétaire général de la Défense nationale (SGDN) rejoint les membres du conseil, afin à la fois de favoriser le rapprochement entre les domaines de la Défense nationale et de la sécurité intérieure, mais aussi de renforcer l’implication de l’Élysée dans ce dernier secteur, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent pour cause d’abord de faible prise en compte des questions sécuritaires par les organes gouvernementaux, puis de définition rigide des pouvoirs au sein de l’exécutif sur fond de cohabitation (l’article 4 du décret du 15 mai 2002 précisant que « les questions de sécurité intérieure intéressant la défense, le renseignement et la planification de la sécurité nationale sont instruites et présentées au Conseil de sécurité intérieure par le secrétaire général de la Défense nationale, agissant en liaison avec le secrétaire général de ce conseil »).
Cette implication nouvelle du président de la République est renforcée par son pouvoir de nomination du secrétaire général du CSI qui « est placé auprès de lui » (la fonction est actuellement exercée par le préfet Massoni, conseiller du président Jacques Chirac pour les questions de sécurité) : « le secrétaire général conduit, en liaison avec les départements ministériels intéressés et le secrétariat général de la Défense nationale, les travaux préparatoires aux réunions du conseil. Il prépare les relevés de décisions et suit l’exécution des décisions prises. Le secrétaire général participe à l’ensemble des travaux interministériels intéressant la sécurité intérieure. Il anime les groupes constitués, en tant que de besoin, avec le concours des ministères intéressés, afin d’instruire les questions susceptibles d’être inscrites à l’ordre du jour du conseil ou d’assurer l’application de ses délibérations. Il prépare un rapport annuel qui est soumis au conseil » (article 3 du décret du 15 mai 2002).
Il s’agit, en quelque sorte, de mettre en place, sur le modèle du SGDN, un secrétariat général de la sécurité intérieure (qui n’en a pas l’appellation), susceptible de coordonner l’action des départements ministériels, mais aussi de maintenir le domaine de la sécurité intérieure dans l’orbite du président de la République.
Sur le plan de ses missions, la réforme apporte également quelques modifications significatives, notamment en introduisant une tâche d’évaluation des actions conduites : « le Conseil de sécurité intérieure définit les orientations de la politique menée dans le domaine de la sécurité intérieure et fixe ses priorités. Il s’assure de la cohérence des actions menées par les différents ministères, procède à leur évaluation et veille à l’adéquation des moyens mis en œuvre. Il examine les projets de loi de programmation intéressant la sécurité intérieure » (article 2 du décret du 15 mai 2002).
La poursuite de la départementalisation de la sécurité
Le décret du 17 juillet 2002, qui réforme les instances locales de prévention de la délinquance, consacre également un titre particulier à l’institution dans chaque département d’une conférence départementale de sécurité, qui s’inscrit parfaitement dans la logique du mouvement de départementalisation observé depuis le début des années 90.
Par certains côtés, il s’agit de constituer une sorte de conseil de sécurité intérieure départemental. Placée sous la présidence conjointe du préfet (à Paris du préfet de police) et du procureur de la République, cette conférence, qui est réunie au moins une fois par trimestre et dont le secrétariat est assuré par les services de la préfecture, a pour mission : de mettre en œuvre dans le département des orientations et décisions du gouvernement en matière de sécurité intérieure ; d’assurer la cohérence de l’action des services de l’État en matière de sécurité des personnes et des biens ; d’animer la lutte contre les trafics, l’économie souterraine et les violences urbaines et proposer les conditions d’engagement des différents services dont le groupe d’intervention régional, dans le respect de leurs compétences propres ; de suivre les activités des différents conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ; de tenir les tableaux de bord départementaux de l’activité des services de l’État et évaluer les actions entreprises ; d’établir le rapport sur l’état de la délinquance devant être adressé au conseil départemental de prévention.
Sur un plan particulier, elle a également pour objectif d’institutionnaliser le partenariat commencé par les réunions parquet-préfecture organisée périodiquement depuis la fin des années 90.
La conférence départementale de sécurité comprend l’ensemble des responsables des services déconcentrés de l’État intervenant au niveau départemental dans la lutte contre l’insécurité (trésorier-payeur général, inspecteur d’académie, directeur départemental de la sécurité publique, directeur départemental des renseignements généraux, directeur du service régional de police judiciaire, directeur régional de la police aux frontières, commandant du groupement de gendarmerie départementale, commandant de la section de recherche de la gendarmerie, directeur régional des douanes, directeur des services fiscaux, directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle).
Par ailleurs, peuvent être associés aux travaux de la conférence, en fonction de son ordre du jour et à la demande de sa présidence, d’autres responsables de services départementaux comme ceux de l’équipement, des affaires sanitaires et sociales et de jeunesse et sports, ainsi que toute personne qualifiée à titre d’expert. ♦
(1) Cf. « La question du rattachement ministériel de la gendarmerie », Défense Nationale, chronique « Gendarmerie », octobre 2002.
(2) Cf. « Les groupes d’intervention régionaux (GIR) », Défense Nationale, chronique « Gendarmerie », août-septembre 2002.
(3) Cette réforme sera présentée dans la prochaine chronique.